La „réception” comme réalité ecclésiologique
Genre: Literatuur, Tijdschriftartikel
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Thème dangereux? En tout cas, thème rarement abordé, et cependant d’une importance majeure tant au point de vue de l’oecuménisme qu’à celui d’une ecclésiologie pleinement traditionnelle et catholique1.
Le terme même de „réception” a été utilisé, à l’époque moderne, par les historiens du droit, allemands surtout, à propos de l’entrée du droit romain dans l’usage de la société ecclésiastique ou civile, ce qui, en Allemagne, s’est opéré largement à partir du xve siècle2. Le P. A. Grillmeier, à qui nous devons une importante étude sur Concile et Réception (L), a utilisé, pour préciser son sujet, une étude récente d’un de ces historiens du droit, F. Wieacker3. On ne peut parler, au sens strict, de réception, dit cet auteur, qu’entre deux aires culturelles différentes, quand l’une fait sienne une loi portée par l’autre: la réception, au sens strict du terme est „exogène”. Le P. Grillmeier a fait une effort intéressant pour se dégager d’un traitement trop global de la réception des conciles, celui qu’a formulé R. Sohm dans le cadre d’une systématisation suggestive mais discutable. Grillmeier tente d’appliquer la grille fournie par Wieacker: une vraie réception est exogène. Dès lors la réception au sens propre n’existe que pour celle de synodes particuliers par l’Église universelle ou par une très large portion de cette Église, ou bien, et mieux encore, de la part d’Églises séparées: par exemple si les Nestoriens reçoivent Éphèse ou les
1. Voir, à la fin du présent article, une liste d’études
auxquelles nous renverrons par la lettre majuscule
conventionnelle attribuée à chacune, et l’indication de la
page.
2. Voir bibliographie dans Küppers: I, p. 101, n. 12.
3. F. Wieacker, Privatrechtsgeschichte der Neuzeit. 2.
Aufl., Göttingen, 1967.
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Monophysites Chalcédoine. Le reste est réception seulement au sens large, voire impropre.
Cette façon de considérer la réception nous paraît trop étroite. Certes, pour qu’il y ait réception il faut toujours une certaine distance, une certaine altérité entre l’instance qui donne et l’instance qui reçoit. Mais, si l’on demeure dans le cadre de l’Église une, sa nature ou son exigence profonde de communion empêche l’altérité d’être complète. Il est vrai que le thème de la réception peut avoir un intérêt oecuménique: on s’y intéresse, et à très juste titre, dans le cadre du Conseil oecuménique des Églises, par exemple pour le rétablissement de la communion entre pré-Chalcédoniens et Orthodoxes (ou Catholiques), (cf. H, I, et J); c’est un chapitre nouveau qui s’ouvre. Mais l’histoire présente tout un ensemble de faits de réception, et aussi des théories de la réception, à l’intérieur de l’Église une. Cela comporte une grande valeur ecclésiologique, que nous voulons essayer d’expliquer. C’est pourquoi nous nous attachons ici à ce fait ecclésiologique interne que le P. Grillmeier évoque d’ailleurs, tant il s’impose. C’est plus large sans être vague. Par „réception” nous entendons ici le processus par lequel un corps ecclésial fait sienne en vérité une détermination qu’il ne s’est pas donnée à lui-même, en reconnaissant, dans la mesure promulguée, une règle qui convient à sa via. Il y a, dans la réception, bien autre chose que ce que les Scolastiques entendent par obéissance. Pour ces derniers, elle est l’acte par lequel un subordonné règle sa volonté et sa conduite par le précepte légitime d’un supérieur, par respect pour l’autorité de ce dernier. La réception n’est pas la pure et simple réalisation du rapport „secundum sub et supra”; elle comporte un apport propre de consentement, éventuellement de jugement, où s’exprime la via d’un corps qui exerce des ressources spirituelles originales.
Que la notion de réception ait encore sa validité, le 2e Concile du Vatican le prouve assez en envisageant le cas d’une initiative collégiale venant des évêques et qui ne pourrait être, devenir „verus actus collegialis” que si le pape l’approuvait „vel libere recipiat”4. Ce texte parle de réception au bénéfice du privilège de l’évêque de Rome que Vatican II a si fortement réaffirmé et dont l’histoire porte assez témoignage. Il reste qu’il constitue un
4. Lumen gentium 22 fin; comparere décret Christus Dominus 4; repris dans la version de 1970 de la Lex Ecclesiae fundamentalis, can. 41 et 46 § 1.
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authentique énoncé de réception puisqu’il s’agit de consentement (et par mode de jugement) d’une instance d’Église à une détermination posée par d’autres qu’elle. En dehors de cet énoncé, le droit actuel ne connaît d’autre cas de réception — si nous ne faisons erreur — que l’acceptation par le pape et, à sa suite, par l’épiscopat mondial, de nouveaux évêques de rite oriental élus dans leur patriarcat après simple „nihil obstat” de rome, et non nommés ni confirmés par le Saint-Siège. Le mot „réception” n’est pas prononcé, mais la réalité y est dans les expression: „reconnaître dans sa communion”, „accorder sa confiance et son adhésion aux libres décisions des Patriarches et de leurs synodes”5.
L’expression „communitas legis recipiendae capax” qu’on trouve dans le Codex de 1917, can. 26, n’a rien à voir avec la réception dont il est ici question. Elle désigne une communauté apte à être le sujet d’une loi proprement dite: un individu, une famille, un chapitre ne le sont pas. Seules les communautés capables d’être sujets d’une loi propre sont aussi capables d’introduire une coutume, laquelle, dans le droit actuel, ne peut prendre force de loi qu’en vertue de l’approbation du supérieur compétent (can. 25) et pourvu qu’existe, dans les membres de la communauté en cause, la volonté de la recevoir comme si c’était une loi6. Le droit romain ancien, les canonistes et les théologiens du xiiie siècle, étaient plus favorables à l’initiative de la communauté et équiparaient plus directement coutume et loi7.
5. Communication du Cardinal président de la Commission
centrale pour la coordination des travaux post-conciliaires et
l’interprétation des décrets du Concile, en date du 24 mai 1966,
et Lettre de la Congrégation orientale au patriarche Maximos IV,
en date du 22 juin 1966: cf. Vatican II. Les Églises
orientales catholiques. Décret „Orientalium Ecclesiarum”.
Commentaire par Mgr Neophytos Edelby (Unam Sanctam 76); Paris,
1970, p. 361-370.
6. Cf. G. Cornaggia Medici, Presuppositi giustinianei d’un
espressione canonistica, in Acta Congressus Juridici
internationalis, Romae 12-17 Novembris 1934; Roma, 1937, t.
IV, p. 121-133.
7. Si Gratien (c. 6 D. 12) cite les Inst. I, 2, 9, „Ex
non scripto ius venit quod usus comprobavit, nam diuturni mores
consensu utentium comprobati legem imitantur”, plusieurs
décrétistes citent Dig. I, 3, 32 (ainsi, d’après G.
Cornaggia Medici cité n. préc., p. 128-129, Jean le Teutonique et
Barthélemy de Brescia): „Julianus libro LXXXIIII digestorum De
quibus causis scriptis legibus non utimur, id custodiri opportet,
quod moribus et consuetudine inductum est: is qua in re hoc
deficeret, tunc quod proximum et consequens ei est: si nec id
quidem appareat, tunc ius, quo urbs Roma utitur, servari
opportet. Inveterata consuetodo pro lege non immerito custoditur,
et hoc est ius quod dicitur moribus constitutum. Nam cum ipsae
leges nulla alia ex causa nos teneant, quam quod iudicio populi
receptae sunt, merito et ea, quae sine ulla scripto populus
probavit, tenebunt omnes: nam quid interest suffragio populus
voluntatem suam declaret an rebus ipsis et factis? Quae
rectissime etiam illud receptum est, ut leges non solum suffragio
legis latoris, sed etiam tacito consensu omnium per desutudinem
abrogentur.” Jacques de Révigny (entre 1240 et 1280) cite aussi
un passage de ce texte et également du prédédent
(Oeuvres, éd. ➝
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Ce n’est pas dans le jus conditum actuel que nous pouvons trouver quelque chose de substantiel sur la réception. La via concrète de l’Église serait plus instructive. Les lexiques n’apportent presque rien; ainsi A Patristic Greek Lexikon de G.W.H. Lampe (Oxford 1961), aux mots δέχομαι (= surtout: recevoir dans l’Église, recevoir un pénitent. Par exemple S. Sophrone, PG 87, 3365 B, mais voir infra n. 12) ou ἀποδέχομαι (= recevoir des personnes. Chez S. Théodore de Studion, vénérer et agréer avec ferveur les saintes images, Testament, PG 99, 1816A), λαμβάνω ou ἀπολαμβάνω (surtout recevoir des personnes).
C’est à l’historien que nous demanderons une documentation positive.
Il s’en faut que leurs décisions même dogmatiques se soient imposées par elles-mêmes, d’un coup et facilement. La foi de Nicée n’a été „reçue” et totalement qu’après 56 ans de démêlés ponctués de synodes, d’excommunications, d’exils, d’interventions et de violences impériales. Les synodes de Tyr et de Jérusalem, en 335, déposent Athanase et réhabilitent Arius. Le pape Jules lui-même ne semble pas avoir toujours considéré le jugement de Nicée comme irrévocablement acquis. Le concile de Constantinople de 381 a marqué la fin de ces querelles. Lui-même, cependant, doit son titre d’oecuménique, non à sa composition, qui n’a été nullement telle, — S. Ambroise se plaignait que Rome et l’Occident y avaient été ignorés et absents: Epist. 13, 4-8, PL 16, 952-953 — mais uniquement à la réception de son symbole par le concile de Chalcédoine comme expression plus achevée de la foi de Nicée. En effet, on lut le Symbole dit de Constantinople à la suite de celui de Nicée (2e action) et les canons de 381 comme „synodikon du deuxième concile” (17e action). Mais ce n’est qu’en 519, et d’abord plutôt par un acquiescement tacite et supposé que Rome, à savoir la pape Hormisdas, en „recevant” la profession de foi du patriarche Jean, reconnut Constantinople comme second des quatre premiers conciles8. L’histoire du 3e concile n’était guère propre à le faire considérer comme oecuménique: décision brusquée par Cyrille d’Alexandrie avant l’arrivée des évêques de Syrie quatre jours
➝ P. de Tourtoulon. Paris, 1899, p. 63 et 87). Bracton
écrit de son côté: „Cum legis vigorem habeat, quidquid de
consilio et consensu magnatum et reipublicae communi sponsione,
authoritate regis sive principis praecedente iuste fuerit
definitum et approbatum… cum fuerint, approbatae consensu
utentium” (De legibus et consuet. I, I, 2: éd. Tr.
Twiss, Rolls Series, t. I, 1878, p. 2; éd. G.E. Woodbine, t. II,
1922, p. 19). Il faut lire enfin S. Thomas, Sum. theol.
Ia-IIae q. 93, a. 3, ad 3.
8. Cf. A.M. Ritter, Das Konzil von Konstantinopel und sein
Symbol (Forschg. z. Kirchen- u. Dogmengesch. 15), Göttingen,
1965. Le P. P.-Th. Camelot écrit à ce sujet: „C’est une sorte de
consensus de l’Église qui a reconnu après coup ce
caractère ➝
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plus tard, tenue de deux assemblées sans rapports l’une avec l’autre. Ce n’est que par l’entente réalisée au cours des deux années suivantes entre Cyrille et con groupe, Jean d’Antioche et ses partisans, qu’Éphèse a pu réaliser une condition élémentaire d’oecuménicité. Newman a souvent argué de cette histoire à l’usage de ceux pour lesquels l’opposition d’une importante minorité pendant le premier concile du Vatican, jusqu’à la définition du 18 juillet 1870 inclusivement, constituait un empêchement décisif. L’accession subséquente des opposants, c’est-à-dire leur „réception” sont „comme des compléments du concile et comme des moments qui en font partie intégrante”9.
Avec les symboles de Nicée et de Constantinople, Chalcédoine avait aussi „reçu” le Tome de S. Léon à Flavien et les deux lettres de S. Cyrille (2e session)10. Le fameux „Pierre a parlé par la bouche de Léon”, tout comme le „Pierre a parlé par la bouche d’Agathon” du VIe concile oecuménique contre le monothélisme (le même qui anathématisa le pape Honorius!), a été un acte de réception: le concile a reconnu l’expression de la foi de Pierre dans le formulaire du pape. Mais la réception totale et définitive de Chalcédoine a exigé elle-même bien des explications et des précisions: ce fut une longue histoire (cf. J: Coman et Grillmeier). Mieux: il y a eu non-réception, au moins juridique et littérale, soit de la part de la hiérarchie arménienne, soit de la part des Coptes d’Égypte, par anti-nestorianisme, par réaction, là contra la Perse, ici contre Byzance, par refus d’une décision „exogène”. „L’abominable concile de Chalcédoine” disait Jean Rufus, évêque de Maïouna, vers 515 (J, p. 371), comme certains intégristes disent aujourd’hui „le funeste concile de Vatican II”…
La réception, par contre, s’est établie et exprimée parfois par des décisions explicites. A cet égard, la réception par le Saint-Siège apostolique de Rome a été décisive pour tout processus de réception en Occident (cf. J, p. 387-389). Pour Rome elle-même, elle avait valeur de confirmation11. Mais la réception s’est affirmée aussi
➝ (d’oecuménique) à un concile qui n’était oecuménique ni
d’intention, ni de fait” (Les conciles oecuméniques des
IVe et Ve siècles, in
Le Concile et les conciles; Chevetogne et Paris, 1960,
p. 73).
9. Newman, Lettre au duc de Norfolk, ch. VIII:
trad. B.-D. Dupuy (Textes newmaniens, VII); Paris, Desclée de
Brouwer, 1970, p. 336.
10. Voir W. de Vries, Die Struktur der Kirche gemäss dem
Konzil von Chalkedon (451), in Orient. Christ.
Period. 35 (1969) 63-122.
11. Ainsi S. Léon dit recevoir Chalcédoine „quae ego mea
consensione firmavi” et il l’assimile à Nicée: Epist.
162: PL 67, 836 B) ce qu’il écrit aux Égyptiens fidèles habitant
Constantinople. Ainsi encore Gélase, Epist. 26, 19
(Thiel, p. 406); Pélage II parlant du canon 28 de Chalcédoine
qu’a refusé S. Léon „postquam nihil aliud nisi definitionem fidei
recepit” (Schwartz, ACO, IV/2, p. 115).
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par un processus plus étendu et plus complexe mettant en oeuvre la prédication (aspect kérygmatique), la spiritualité, l’élaboration théologique (voir encore J: Coman et Grillmeier). S’agissant des dogmes trinitaires et christologiques, la liturgie l’a consacrée et définitivement assurée: lex orandi.
On pourrait poursuivre l’histoire de tous les conciles sous l’angle de leur réception. Le dernier qui nous soit commun avec l’Orient Orthodoxe, le deuxième de Nicée, 787, proclamait lui-même que, pour qu’un concile soit oecuménique, il faut qu’il soit reçu par les „praesules ecclesiarum” et en premier lieu par le pape12. Mais ce concile lui-même dut attendre longtemps pour être reçu en Occident: non seulement par les théologiens francs, ceux du concile de Francfort de 794, trompés par une mauvaise traduction et poussés par l’esprit de rivalité envers l’autre Empire, mais par la papauté, blessée et attaquée par le césaropapisme byzantin qui avait soustrait à son obédience la Sicile, la Calabre et l’Illyrie. Il faut attendre la profession de foi envoyée par Léon IX à Pierre d’Antioche, 1053, pour trouver une réception expresse de Nicée II par les papes13.
Évoquons encore quelques exemples pris en Occident et dans le second millénaire. Le 4e concile de Latran (1215) a été reçu, en Occident, d’une façon telle qu’il y a marqué durablement la vie de l’Église: soit que sa Profession de foi Firmiter, reproduite en tête des Décrétales, soit devenue un quatrième Symbole et un schéma d’enseignement des clercs et des fidèles14, soit que 60 de des textes et 59 de ses 70 canons soient passés dans le Droit ecclésiastique et jusque dans le Codex de 191715. A cet égard la réception d’un concile s’identifie avec son efficacité: cette remarque a son intérêt, comme nous le verrons, pour une interprétation théologique de la réception. Le cas du concile de Trente illustrerait la même remarque16. De plus, la question et la difficulté de sa
12. A propos du concile iconoclaste de 753 (qui s’était
appelé lui-même „7e oecuménique”: Mansi 13, 350 E), „quam neque
receperunt (verbe δέχομαι) neque concordaverunt reliquarum
praesules ecclesiarum”: Mansi 13, 208 DE-209 A (grec), 207 DE-210
A (latin).
13. PL 143, 772 D-773-A ou Mansi 19, 663. Après avoir déclaré
„recevoir et vénérer” les quatre premiers conciles, Léon IX
ajoute: „Pari modo recipio et veneror reliqua tria concilia …,
etc.” Référence au 7e concile par celui de Trente, sess. XXV: Dz
986; DSch 1823. Cf. C. Silva-Tarouga, Institutiones Historiae
Ecclesiasticae, Pars II, Roma, 1933, p. 49.
14. Voir notre article S. Thomas et les archidiacres, in
Rev. Thomiste 57 (1957) 657-671.
15. R. Metz, Les conciles oecuméniques et le Code de droit
canonique de 1917, in Rev. Droit canon. 10 (1960)
192-213; R. Foreville, Latran I, II, III et Latran IV
(Hist. des Conciles oecuméniques 6); Paris, 1965, p. 311-317.
16. Le concile de Trente fut „reçu” tout se suite en Espagne (12
juillet 1564) mais plus difficilement en France, quant à ses
décrets disciplinaires (Assemblée du ➝
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„réception” par les protestants reviennent sans cesse dans la correspondance échangée par Leibniz et Bossuet (cf. F. Gaquère, infra, n. 23). C’était déjà un cas de cette réception „exogène” qu’on recherche aujourd’hui dans le mouvement oecuménique, pour mûrir un consensus entre des corps ecclésiastiques désunis.
L’acceptation du dogme du 18 juillet 1870 par les évêques de la minorité qui avaient quitté Rome la veille pour éviter de dire „non placet” alors que le vote était acquis, est, elle aussi, un cas de réception, et d’autant plus intéressant, que plusieurs d’entre eux ont, fidèles à leurs principes, motivé cette acceptation par le fait que le dogme était „reçu” par l’ensemble de l’Église Catholique. A l’usage des esprits troublés ou hésitants, Newman répétait que la réception par l’ensemble de l’Église était le signe que le concile avait exprimé une doctrine vraie17. Mais l’argument n’a pas convaincu Döllinger.
Dans le cadre des recherches christologiques présentes, qui partent beaucoup plus de l’homme-Jésus des Synoptiques, on a parlé de „re-réception” de Chalcédoine18. Chalcédoine est acquis et n’est pas mis en question, mais dans un nouveau contexte de vision christologique, et aussi de recherche oecuménique, on doit procéder à une nouvelle lecture de son histoire et de ses intentions profondes et ainsi, le „recevoir” à nouveau. On pourrait parler de façon analogue, d’une „re-réception” de Vatican I par Vatican II et, là encore, dans un nouveau contexte et par une lecture renouvelée telle qu’on a pu présenter la minorité de Vatican I comme l’avant-garde de Vatican II…
Relevons quelques expressions littéraires de ce régime de
réception. Et d’abord des énoncés sur l’importance de l’accueil
des décisions conciliaires:
S. Athanase: „Toute
l’oikumenè alors a donné son accord (à la foi de Nicée) et
maintenant que beaucoup de synodes ont été réunis, tous, qu’ils
soient de Dalmatie, Dardanie, Macédoine, Épire, Grèce, Crète et
autres îles, toute l’Égypte et la Lybie et la majorité de
l’Arabie, s’en souviennent et la reconnaissent”
(Epist. c. Arianos ad
honor. in Africa episcopos 1: PG 26, 1029); „(Cette foi de Nicée)
était reconnue et prêchée partout, à travers toute l’Église”
(Epist. ad Iovianum
Imperatorem 1: PG 26,
816).
S. Jean Chrysostome: „Les
décisions des Pères (de Nicée) ont été
➝ clergé à Paris, 7 juillt 1615). Cf. L. Willaert,
Après le concile de Trente, in La Restauration
catholique: 1563-1648 (= Hist. de l’Église fondée par A.
Fliche et V. Martin, 18). Paris, 1960, p. 375 s.
17. Dans la traduction annotée par le P. B.-D. Dupuy de la
Lettre au duc de Norfolk (cf. n. 9, op. cit.)
voir p. 332-333, p. 417 le Post-scriptum de 1875, p.
463-464 la lettre du 24 novembre 1870 à Hyacinthe Loyson.
18. Le concile de Chalcédoine. Son histoire, sa réception par
les Églises et son actualité, in Irénikon 44 (1971)
349-366 (p. 361). Rapport de la Commission „Foi et Constitution”
sur le colloque tenu en 1969 sur ce sujet: cf. J.
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acceptées par le monde chrétien tout entier” (Adv.
Iudaeos III: In eos qui primo pascha jejunant: PG
46, 865 D).
S. Augustin énonce un
principe général: „Vides in hac re quid Ecclesiae catholicae
valeat auctoritas, quae ab ipsis fundatissimis sedibus
apostolorum usque ad hodiernum diem succedentium sibimet
episcoporum serie et tot
populorum consensione firmatur” (C. Faust. XI, 2: PL 42, 246); „In fiducia securae
vocis asserere, quod in gubernatione Domini nostri et salvatoris
Jesu Christi universalis
Ecclesiae consensione roboratum est” (De bapt. VII, 53: PL 43, 243). La
consensio dont il s’agit ici est celle de
l’ecclesia; dans d’autres textes d’Augustin, le
terme s’applique à la décision d’un concile qui confirme la
pratique de l’Église.
S. Léon, parlant des canons
conciliaires touchant le droit des métropolitains a une formule
qui sera souvent reprise: „secundum sanctorum patrum canones
Spiritu Dei conditos et
totius mundi reverentia consecratos” (Epist. 14, 2: PL 54, 672;
Jaffé-Ewald-Kaltenbrunner, 411): formule inlassablement répétée
par Hincmar et d’autres auteurs du haut moyen âge19.
Parlant du concile de Chalcédoine S. Léon écrit: „Quae ab
universis Romani orbis provinciis cum totius mundi est celebrata
consensu” (Epist. 164, 3: PL 54, 1150), mais il s’agit
sans doute du consensus interne du concile.
C’est encore un pape, S.
Simplice, selon lequel est définitif „quod apostolicis
manibus cum Ecclesiae
universalis assensu…”
(10 janv. 476: Dz 160, pas dans DSch). Saint Gélase, écrivant en
495 aux évêques de Dardanie, donne les critères permettant de
discerner un bon concile d’un mauvais: le premier est celui
„quod universalis
Ecclesiae probavit assensus” et que le Premier Siège approuve et
tient; le second parle „contra Scripturas sanctas, contra
doctrinam patrum, contra ecclesiasticas regulas,
quam tota merito Ecclesia non
recepit et praecipue
sedes apostolica non probavit” (Thiel I, p. 395); un peu plus
loin, le concile est décrit comme celui conforme à l’Écriture et
à la Tradition, „quam
cuncta recipit ecclesia,
quam maxime sedes apostolica comprobatur” (p. 400). Notons que la
partie du De recipiendis
et non recipiendis libris, qui peur revenir à Gélase use
abondamment du vocabulaire de la réception: „suscipere, recipere”
etc.
Dans la Synodique de février
591 aux quatre autres patriarches, S. Grégoire professe vénérer
les quatre premier conciles, puis le cinquième, „quia …
universali sunt consensu constituta” (Mansi IX, 104; PL 77, 478;
MGH Epp
I, p. 36;
Jaffé-Ewald-Kaltenbrunner 1092) cité par Graiten D.15 c.2, mais
il peut s’agir de l’accord des Pères conciliaires.
Denys le Petit avait d’abord
introduit les canons dits des Apôtres, ceux de Sardique et ceux
d’Afrique dans les deux premières rédactions de sa collection,
la Dionysiaca. Mais il les élimine de la troisième
rédaction avant 523, et il donne sa raison: „quos non admisit
universitas” (Thiel I, p. 986; F. Maassen, Gesch. d. Quellen, I, p. 965).
19. Cf. Hincmar, PL 125, 384 BC, 1038 A; 126, 113 C, 189 A, 190 C, 199 D, 232 A, 509 B, 510 A, 535 D, et aussi PL 124, 890 AB; De ordine palatii 4 (MGH Capit. II, 519); Paschase Radbert, Vita Walae II, 16 (PL 120, 1635 A); Gerbert, Ep. ad archiepisc Senon. (PL 139, 268 B). Le thème et l’expression auront un long écho, le texte de S. Léon ayant cité dans les collections canoniques: Anselmo dedicata I, q. 2 c. 5 (Friedberg, 1013). Rufin écrit, en 1157-59: „Antiquorum patrum et venerabilium statuta, quae pro omnium ecclesiarum statu conservando plena auctoritate sunt promulgata, et totius pene mundi iam consecrata reverentia” (Summ. Decr., ad D. IV; éd. H. Singer, Paderborn, 1902, p. 13-14).
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Dans son Pro defensione trium capitul. vers 548,
Facundus d’Hermiane argue sans cesse de la réception par toute
l’Église en faveur du concile de Chalcédoine: „in Ecclesia Dei
recepta est”, „ab Ecclesia universali receptis”20.
Hincmar de Reims a une belle
ecclésiologie de l’Église comme communion, et une théologie des
conciles et de la réception. Nous avons vu qu’il affectionne un
texte de S. Léon en ce sens. Il définit les conciles oecuméniques
(generalia) par le fait que, convoqué par
l’empereur et rassemblant de nombreux évêques avec une „specialis
jussio sedis apostolicae” „pro generali ad omnes christianos
causa pertinente”, ils sont „a catholica Ecclesia
receptissima”21.
La question de savoir qu’est-ce qui constitue l’oecuménicité d’un concile est une question complexe, qui a reçu des réponses diverses au cours de l’histoire et qui ne s’identifie pas totalement avec cette autre question: qui reconnait l’oecuménicité d’un concile? Dès Damase, et même dès le synode de 368, les papes ont affirmé que leur approbation est nécessaire, et il est bien certain qu’aucun concile ne peut être oecuménique si le Siège de Rome ne le reçoit pas. Nous avons vu Léon et Gélase unir assentiment de toute l’Église et approbation pontificale. Mais la réception par l’Église a certainement sa place. En plein concile de Trente, Martin Perez de Ayala disait, dans un traité rédigé pour le concile: „Est secunda via apprehendendi veritatem in dubiis: Conciliorum scilicet generalium omnium consensione populorum fidelium receptam auctoritatem” (De div… traditionibus…: Coloniae 1549, pars 1, ass. 1: fol. 44v). On peut récuser la thèse slavophile selon laquelle les conciles n’auraient pas d’autorité dogmatique par eux-mêmes ou en eux-mêmes, l’autorité n’appartenant qu’à la vérité et celle-ci n’ayant d’autre organe que le sens chrétien de la communauté des fidèles: un grand nombre de théologiens Orthodoxes la récusent22. Les textes parlent un autre langage. Ces mêmes
20. Ainsi lib. I c. 5 (PL 67, 551 D); lib. II c. 6 (559 C,
565 B, 576 C); lib. V c. 5 (652 B „post definitionem concilii
totius Ecclesiae consensione firmati”); lib. VIII c. 7 (732 A);
lib. X c. 1 (767 CD); lib. XII c. 1 et 2 (832 D, 834 C „quam
reverentiam [des Écritures] deferimus etiam synodalibus
constitutis ab Ecclesia universali receptis”; 837 D). Sur
Facundus, cf. W. Pewesin, Imperium, Ecclesia universalis,
Rom. Der Kampf der afrikanischen Kirche um die Mitte des 6.
Jahrhunderts, in Geistige Grundlagen römischer
Kirchenpolitik (Forschg. z. Kirchen- u. Geistesgesch. 11),
Stuttgart, 1937.
21. Hincmar, Opusc. LV Capit., c. 20 (PL 126, 359 AB,
361 A: avant juin 870). Cf. H. Bacht, Hinkmar von Reims. Ein
Beitrag zur Theologie des allgemeinen Konzils, in Unio
Christianorum, Festgabe L. Jaeger. Paderborn, 1962, p.
233-243; notre Ecclésiologie du Haut Moyen Age; Paris,
1968, p. 166-177.
22. Cf. notre Avertissement à A. Gratieux, Le mouvement
slavophile à la veille de la Révolution (Unam Sanctam 25);
Paris, 1953, p. 16, n. 19; B. Schultze, Orthodoxe Kritik an
der Ekklesiologie Chomjakovs, in Orient. Christ.
Period. 36 (1970) 407-431; P. Duprey, La structure
synodale de l’Église dans la théologie orientale, in
Proche Orient Chrétien 20 (1970) 123-145, la note
37.
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théologiens, cependant, conservant une partie de l’argumentation slavophile: ce n’est pas la correction juridique d’un concile ou sa juste structure formelle qui assure son authenticité, c’est le contenu de son enseignement. Et l’on cite nombre de conciles aussi réguliers que d’autres au point de vue formel ou juridique (ce qui serait d’ailleurs à voir de plus près!) et qui ont été rejetés parce que l’Église n’a pas reconnu sa foi dans leurs décrets: Rimini-Séleucie, 359, concile du Chêne, 403, d’Éphèse, 449, synode iconoclaste d’Hiéria, 753-754, etc. Les gallicans, qui connaissaient bien l’histoire des conciles, ont assez communément tenu que l’acceptation par toute l’Église est ce qui permet de reconnaître finalement l’autorité d’un concile, sa qualité d’oecuménique, le caractère infaillible de des décrets23.
D’autre part, bien des conciles locaux ou des documents particuliers ont pris une valeur universelle parce que l’Église a reconnu en eux sa foi et donc par voie de réeption, selon un processus dans lequel, surtout en Occident, la réception par la Siège romain a souvent joué un rôle décisif. Ainsi le Synode d’Antioche de 269 condamnant Paul de Samosate et dont la décision, communiquée et reçue partout, fut, pour Nicée, un sérieux handicap. Ainsi le concile antipélagien de Carthage de 418 (DSch 222-230): l’Indiculus écrit à Rome par Prosper d’Aquitaine dit, en citant ses canons 3, 4 et 5 sur la grâce „quasi proprium Apostolicae Sedis amplectimur” (DSch 245); or l’Indiculus a été ensuite incorporé par Denys le Petit à sa collection, ce qui achevait la réception des canons de Carthage en Occident (cf. M, p. 334). — Les textes composites du concile d’Orange sur la grâce (DSCh 370-397) ont été reçus, serait-ce tardivement, comme ayant une autorité dépassant l’occasion qui réunit quatorze évêques à Orange en 52924. On pourrait apprécier de même le crédit qu’ont
23. J’emprunte à W. Palmer (A Treatise on the Church
of Christ; London, 1838, t. II, p. 154 s.) les références
suivantes: Bossuet, Lettre à Leibniz (cf.
infra); J.B. Bouvier, Tract. de vera Ecclesia,
p. 234 (modéré)); Mgr. de Barral, arch. de Tours, Défense des
libertés de l’Église gallicane, Paris, 1817, p. 284; abbé de
Trevern, Discussion amicale sur l’établissement et la
doctrine de l’Église anglicane… Londres, 1816, t. I, p. 191
s. (Ve lettre). C’est évidemment Bossuet qu’il faut surtout
citer. D’un mémoire rédigé pour Leibniz entre juin et octobre
1613: „6º La dernière marque que l’on peut avoir que ce concile
ou cette assemblée représente vraiment l’Église catholique, c’est
lorsque tout le corps de l’épiscopat et toute la société qui fait
profession d’en recevoir les instructions l’approuve et le
reçoit; c’est là, dis-je, le dernier sceau de l’autorité de ce
concile et de l’infaillibilité de ses décrets” (F. Gaquère,
Le dialogue irénique Bossuet-Leibniz… Paris, 1966, p.
171-172). Cf. aussi infra, n. 52.
24. Les textes du 2e concile d’Orange sont demeurés inconnus de
S. Thomas dont la connaissance du pélagianisme fut acquise en
Italie en 1259-1260 (H. Bouillard, Conversion et grâce chez
S. Thomas d’Aquin, Paris, 1944). Mais ils ont été cités et
utilisés au concile de Trente: c’est leur vraie réception
juridique.
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connu le XIe concile de Tolède, 675, et son Symbole trinitaire (DSch 525-541), au point qu’on a voulu le gratifier d’une „confirmation” par… Innocent III, les conciles de Quierzy (853), Valence (855) sur la prédestination (DSch 621-624 et 625-633). Enfin, n’est-ce pas par „réception” que le symbole Quicumque, d’auteur inconnu!, et le Filioque ont été reconnus comme expressions authentiques de la foi? Ainsi des conciles particuliers, petits par la représentation, ont-ils presque rejoint par la voie de la réception les conciles généraux25.
Le fond des choses tient à ce qui constitue l’autorité des conciles ou qui donne valeur à leurs déterminations. D’excellentes études nous renseignent à ce sujet26. Ce qui fait la valeur des conciles c’est qu’ils expriment la foi des Apôtres et des Pères, la Tradition de l’Église (ainsi Athanase, Cyrille d’Alexandrie, Vincent). Les conciles ont exprimé l’apostolicité et la catholicité de l’Église, et cela parce qu’ils représentaient la totalité de l’Église et ont réalisé un consensus. Athanase ne fait pas appel à d’autres principes après Nicée, et en prenant sans cesse Nicée comme modèle, on a aimé souligner l’assurance que le Christ préside aux conciles et que le Saint-Esprit les assiste. Mais l’essentiel est de reconnaître en eux la foi des Apôtres transmise depuis eux par les Pères (Paradosis). C’est pourquoi aussi sans doute un concile, dans l’antiquité, commençait par la lecture des décrets des conciles antérieurs: il ne voulait être qu’une étape nouvelle dans la transmission, mais c’était aussi un acte de réception27. La théologie du concile nous apparaît comme liée à celle de l’apostolicité, dont elle est un aspect. De même que le plus décisif n’est pas la succession formelle (nuda successio) mais l’identité profonde du
25. S. Agobard de Lyon disait, en 817, qu’un simple synode
d’évêques n’a pas la même autorité que les conciles oecuméniques
„ex totius mundi consensu congregatorum et receptorum”
(Adv. legem Gondobadi: PL 104, 123 s.): des deux
conditions énumérées, la seconde tend à se trouver réalisée. Pour
Quicumque, cf. S. Thomas, Sum. theol.
IIa-IIae, q. 1, a. 10, ad 3.
26. H. Goemans, Het Algemeen Concilie in de vierde eeuw,
Nijmegen, 1945 (mon compte rendu, in Rev. Sc. ph. th.
31, 1947, 288-291); H.-J. Sieben, Zur Entwicklung der
Konzilsidee, in Theol. u. Phil. 45 (1970) 353-389;
46 (1971) 40-70, 364-386, 496-520: le premier article étudie la
notion de concile général chez S. Athanase, le second entre Nicée
et Éphèse, le troisième chez S. Vincent de Lérins, le quatrième
chez S. Augustin. Voir aussi S.L. Greenslade, dans I.
27. Il y a une réception des conciles antérieurs par les conciles
postérieurs: Chalcédoine reçoit Nicée et Constantinople, il
confirme Éphèse (cf. Facundus d’Hermiane, PL 67, 699 A); Tolède
IV (589) reçoit Nicée, Constantinople, Éphèse et Chalcédoine (cf.
ses cc. 19 à 223, où les évêques disent: „consentione nostra vera
esse probavimus”, Mansi 9, 987). Dans la perspective de l’Église
ancienne et médiévale, c’était une façon de manifester
l’antiquitas des normes, qui était pour elles une
qualité essentielle.
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contenu et de la foi, encore que les deux doivent aller de pair28, de même le plus décisif dans un concile, n’est ni le nombre de ses participants, ni la correction juridique de sa procédure, mais le contenu de ses déterminations, encore que les deux doivent aller de pair. Comme le dit J. Ratzinger, la succession est la forme de la tradition, la tradition est le contenu de la succession.
Or, s’il y a une vérité universellement affirmée depuis l’antiquité jusqu’à Vatican II inclus, c’est que la foi et la Tradition sont portées par toute l’Église; que l’Église universelle en est seule le sujet adéquat, sous la souveraineté de l’Esprit qui lui a été promis et qui l’habite: „Ecclesia universalis non potest errare”. C’est pourquoi l’on requérait le témoignage de plusieurs évêques voisins et même celui de la communauté des fidèles dans une élection et une ordination. C’est pourquoi l’unanimité, la concorde, le consensus les plus larges possibles ont toujours passé pour un signe de l’action du Saint-Esprit, et donc aussi un gage de vérité. Une certaine théologie n’a pu monopoliser, de fait, au bénéfice du pape, la reconnaissance de l’oecuménicité des conciles et l’infaillibilité qu’en identifiant pape à Église romaine et Église romaine à Église universelle (dont nous ne nions pas que le pape soit le pasteur suprême). Ce n’est pas un hasard si Nicolas Ier a fait de l’Église romaine comme l’„épitomè” de l’Église catholique et si Pie IX a prononcé les mots presque incroyables: La Tradizione sono Io!
Deux autres cas de réception en matière éminemment doctrinale doivent encore être signalés:
a) La formation du Canon des Écritures s’est produite par réception. Le terme même se trouve dans les documents qui en parlent: Fragment de Muratori (lignes 66, 72, 82), Décret du synode romain de 382 et de Gélase „De recipiendis et non recipiendis libris”; Décret du 4 février 1441 pour les Jacobites („suscipit et veneratur”) (DSch 1334), Décret du concile de Trente sur les écrits et les traditions à recevoir (DSch 1501). Cette réception officielle, normative, expresse, a été précédée par une réception de fait, dans
28. Voir notre L’Église une, sainte, catholique et apostolique (Mysterium salutis 15); Paris, 1970, p. 185-222; Apostolicité de ministère et apostolicité de doctrine…, in Volk Gottes, Festgabe J. Höfer, Freiburg i.Br., 1967, p. 84-111, repris et augmenté in Ministères et Communion ecclésiale; Paris, 1971, p. 51-94. H. Legrand (Enjeux théologiques de la revalorisation des Églises locales, in Concilium nº 71 (1972) p. 49-58) montre que l’apostolicité est transmise à un évêque par l’Église représentée par plusieurs consécrateurs (et qui proclame aussi axios! Il est digne!): l’élu la reçoit et l’Église le reçoit, selon une logique de transmission-réception.
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les Églises, sur laquelle renseignent les histoires qui traitent de la question.
b) Les lettres synodales ont été, dans l’Église ancienne, un des moyens de communion et d’unité. Les conciles en adressaient une aux grands centres de communion, comme Rome ou Alexandrie, pour communiquer leurs décisions aux autres Églises. Le fait es particulièrement attesté pour les conciles tenus avant la paix constantinienne en Orient ou en Afrique29. Évidemment une „réception” répondait à cet envoi. De même pour les lettres Synodiques ou inthronistiques que les papes ou les patriarches d’Orient envoyaient aux sièges majeurs, avec leur profession de foi pour leur annoncer leur élection et établir avec eux la communion30.
L’extension de certaines formes liturgiques et l’unification se sont opérées par des „réceptions” parfois contraintes. Évoquons seulement la réception de la liturgie romaine dans l’empire de Charlemagne (Codex Hadrianus et concile d’Aix, 817)31; la réception par Rome puis, après Rome et depuis elle, par l’Église latine du Pontifical mayençais au xe siècle, dont la portée théologique fut grande, puisque son rituel des ordinations donna un appui à la
29. Citons les lettres du concile réuni en Palestine vers
190 pour la question pascale (Eusèbe, H.E. V. 23,2-4);
ce que dit S. Jérôme (Epist. 33, 4: PL 22, 447) du
„consentement” de Rome à la condamnation d’Origène par des
synodes d’Alexandrie de 230 et 231; lettres du concile de
Carthage de 252 à Corneille de Rome (cf. S. Cyprien,
Epist. 41; 42; 55); lettre de Corneille lui-même à
Fabius d’Antioche au sujet de Novat (Eusèbe, H.E. VII,
30, 1-17); lettre du concile d’Arles de 314 au pape (Mansi 2,
469-471).
30. Les évêques qui ont élu Maximianus au siège de Constantinople
en place de Nestorius, écrivent au pape Célestin (oct. 431) en
parlant de cette coutume comme de l’„ordre ecclésiastique”. Les
exemples sont évidemment très nombreux: Cyriaque de
Constantinople à S. Grégoire, en 596; Paul II de CP au pape
Théodore, en 642; Nicéphore Ier à Léon IV, en 811 (cf. V. Grumel,
Les Regestes des Actes du Patriarcat de Constantinople;
Constantinople, 1932, nº 273, 299, 382); Taraise de CP (Mansi 12,
1119 s.); Photius (PG 102, 585 s.); Pierre d’Antioche… La
réception de ces professions de foi établissait la communion.
C’est en ces termes, par exemple, que le VIe concile oecuménique
reçoit la synodique de Sophrone, „jadis patriarche de Jérusalem,
la sainte ville du Christ notre Dieu, et nous avons trouvé
qu’elle concorde avec la vraie foi et qu’elle est pareille aux
enseignements des Apôtres et des Pères saints et approuvés. Nous
l’avons donc jugée comme orthodoxe et nous l’avons reçue
comme étant utile à la sainte Église catholique et apostolique”
(Mansi 11, 556 CD. A vrai dire le latin a recepimus,
mais le grec a le verbe κρίνω). Pour les papes, nous avons
rencontré les lettres de S. Grégoire et de Léon IX.
31. H. Netzer, L’Introduction de la Messe romaine en
France; Paris, 1910; J.A Jungmann, Missarum
sollemnia…, Wien 21949, t. II, p. 95 s.; C. Vogel, La
réforme liturgique sous Charlemagne, in Karl der
Grosse II; Düsseldorf, 1965, p. 217-232.
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thèse liant la forme de l’Ordre à la „tradition ou porrection des instruments”32. On ne peut guère parler de „réception” pour la façon dont Grégoire VII fit substituer la liturgie romaine à l’antique liturgie hispano-wisigothique, dite parfois mozarabe, en Espagne33. Par contre, on peut en parler pour le processus par lequel la liturgie romaine prit la place de ce qui restait de rites „gallicans” en France, aux xixe siècle. Un cas intéressant et important de „réception” est l’acceptation du comput romain de la fête de Pâques par l’Église de Grande-Bretagne, sous le roi Oswy, au Synode de Whitby de 664.
On sait que le Siège romain s’est, à partir d’Alexandre III, puis formellement et de jure à partir de Grégoire IX (1234), réservé le droit de canoniser les saints34. Auparavant, la canonisation, qui était plus un fait liturgique qu’une décision juridique, relevait des Églises locales et se généralisait „accedente totius Ecclesiae consensu at approbatione”, comme le dit Mabillon35. Ainsi une détermination du culte s’étendait par voie de réception. Quand les papes se réservèrent le droit de canoniser, les canonistes justifièrent cette mesure en disant: seul le pape peut imposer à toute l’Église ce qui doit être tenu par tous36. Au même moment, Thomas d’Aquin justifiait par la même raison la réserve, au Souverain Pontife, de la promulgation d’un Symbole de foi (IIa-IIae q. 1, a. 10).
On pourrait retracer de même une histoire de l’adoption des fêtes liturgiques et de leur diffusion en Occident, et singulièrement à Rome, de nombreuses fêtes mariales célébrées en Orient, Hypapante (Purification), Nativité, Présentation, tandis que la Conception sans tache était progressivement reçue depuis l’Angleterre. Tout comme les canonisations, les fêtes des saints se sont répandues par „réception” avant que la papauté n’eût pris en main de régler le calendrier de ce que, abusivement, on a appelé
32. C. Vogel et R. Elze, Le Pontifical
romano-germanique du 10e siècle (Studi e
Testi 226, 227); Vatican, 1963; notre Ecclésiologie du Haut
Moyen Age; Paris, 1968, p. 313.
33. Grégoire VII, Reg. I, 64 (19 mars 1074), éd. Caspar,
p. 93-94; P. Kehr, Das Papsttum und die Königreiche Navarra
und Aragon bis zur Mitte des XII. Jahrhunderts, in
Abhandlg. d. Preuss. Akad. d. Wiss. Philos.-hist.-Kl.,
1928-4, p. 19s.
34. Nombreuses études. Cf. E.W. Kemp, Canonization and
Authority in the Western Church; Oxford, 1948; S. Kuttner,
La réserve papale du droit de Canonisation, in Rev.
hist. droit franç. et étr. 17 (1938) 172-228; J. Schlafke,
Das Recht der Bischöfe in causis sanctorum bis zum Jahre
1234, in Die Kirche und ihrer Aemter. Festg. Kard.
Frings; Köln, 1960, p. 417-433.
35. Acta SS. O.S.B., Praefatio ad saeculum
decimum (saec. V O.S.B.), VII, 1685, q. LVIII, sectio 6
(Kemp, op. cit., p. 147).
36. Ainsi Innocent IV, Hostiensis: cf. Kemp, op. cit.,
p. 108-109. Plus tard, en face des faits, on élabora la
distinction entre simple béatification et canonisation, entre
béatification équipollente et béatification formelle (seconde
moitié du xve siècle; Sylvius; Benoît XIV): op. cit., p.
136, 148, 161-162.
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„l’Église universelle”. La commémoraison des défunts le 2 novembre, fête clunisienne introduite par S. Odilon vers 1025-1030, s’est introduite dans l’usage universel de l’Église latine, par „réception”37.
L’histoire des ordinations et réordinations impose d’y reconnaître la place de la réception, surtout à l’époque de la lutte contre la simonie. En effet, on a tantôt déclaré „irritae” des ordinations liturgiquement valides, tantôt admis comme valables et comme pouvant s’exercer dans l’Église des ordinations tombant sous les décrets anti-simoniaques38. C’est un de ces cas pour lesquels R. Sohm a créé son idée de „réception dispensatoire” qui consistait, selon lui, à recevoir des ordinations de soi invalides et les rendre ainsi valides (cf. infra, n. 85). Sohm a été amené à cette idée parce que, selon lui, toute ordination non conforme aux règles canoniques était nulle, „nichtig”, dans l’„altkatholische Kirchenrecht”. Mais 1º la „réception” n’a jamais fait que reconnaître. Elle n’a jamais eu de valeur créatrice. 2º Sohm commettait une erreur sur le sens du mot „irritum” qui ne signifie pas alors „invalide”, mais „non reçu, non reconnu, sans valeur dans l’Église”. Il reste qu’une ordination était rata si elle était reçue. On ne peut comprendre l’histoire complexe des réordinations sans donner une place à la „réception”. Aussi, quand rencontrant chez Valdès et ses disciples, l’idée que les sacrements célébrés par un mauvais prêtre ne sont pas valables, on imposa aux Pauvres de Lyon une Profession de foi catholique, on précisa: „Sacramenta quoque, que in ea (ecclesia) celebrantur, inestimabili atque invisibili virtute spiritus sancti cooperante, licet a peccatore sacerdote ministrentur, dum ecclesia eum recipit, nullo modo reprobamus”39.
37. Je ne sais si cette formule du Martyrologe Romain, au
1er janvier, remonte plus haut que son édition par Baronius
(1584); elle figure dans l’édition typique de 1914: „Apud
Siviniacum, in Gallia, sancti Odilonis, abbatis Cluniacensis, qui
primum Commemorationem omnium Fidelium defunctorum, prima die
post festum omnium Sanctorum, in suis monasteriis fieri
praecepit: quem ritum postea universalis Ecclesia recipere
comprobavit.”
38. Cf. L. Saltet, Les réordinations. Étude sur le sacrament
de l’Ordre; Paris, 1907; A. Schebler, Die Reordinationen
in der „altkatholischen Kirche” unter besonderer Berücksichtigung
der Anschauungen Rudolph Sohms; Bonn, 1936; E. Amann, art.
Réordinations, in Dict. Théol. Cath. XIII,
2385-2431 (1937).
39. Cf. A. Dondaine, Aux origines du valdéisme. Une
profession de foi de Valdès, in Arch. Fratrum
Praed. 16 (1946) 191-235: p. 231-232. Ce texte a été repris
sous Innocnt III, en 1208, comme profession de foi imposée aux
Pauvres catholiques rentrant dans la communion de l’Église: cf.
Dz 424; DSch 793 („in nullo” au lieu de „nullo modo”).
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Les théologiens n’ont pas attendu les juristes pour parler de réception: voir, par exemple, Nicolas de Cuse, Concordantia Catholica, lib. II, cc. 9 et 10 et infra § suivant. Il reste que ce sont surtout les historiens allemands du droit qui, au xixe siècle, ont accrédité le terme et l’idée, à propos de la „réception” du droit romain en Allemagne à partir du xve siècle. Mais il y a eu, avant cela, sa „réception” dans l’Église. Cela a été étudié époque par époque. Le droit romain était devenu un droit auxiliaire, fournissant des maximes et des directives là où les canons n’en donnaient pas (Gratien; Lucius III, décrétale Intelleximus)40. A notre connaissance, on n’a pas fait d’étude aussi ample et systématique sur la réception ou non-réception, par l’Église romaine, des canon admis en Orient. Le concile de 381 ne fut pas reçu tout de suite en Occident, surtout en raison de ses canons (le 3e!). Encore en juin 597, S. Grégoire le Grand écrivait à Euloge d’Alexandrie et Anastase d’Antioche: „Romana autem ecclesia eosdem canones vel gesta synodi illius hactenus non habet nec accepit in hoc autem eandem synodum suscipit, quod est per eam contra Macedonium definitum” (Reg. VII.31: MGH. Epp. I, p. 479), c’est-à-dire qu’il reçoit la doctrine (condamnation des pneumatomaques). S. Léon avait déjà fait de même pour Chalcédoine, n’approuvant le concile que „in sola causa fidei” (Epist. 114.1; PL 54, 1029 A). De même l’Église de Rome n’a reçu que les 50 premiers des 85 canons dits des Apôtres admis en Orient et n’a-t-elle reçu les canons du concile Quinisexte ou in Trullo de 692 qu’après expurgation41. De son côté l’Orient faisait un tri dans des canons admis par Rome, en recevant certains, en rejetant d’autres et ne lisant pas toujours exactement le même texte: ainsi pour les canons de Sardique.
Nous avons évoqué déjà des cas de non-réception: la non-réception de Chalcédoine est d’autant plus significative qu’elle n’atteignait pas la foi christologique profonde. Plus tard, il y eut
40. Cf. A. van Hove, Droit de Justinien et droit
canonique depuis le décret de Gratien (1140) jusqu’aux Décrétales
de Grégoire IX (1234), in Miscellanea historica L. van
der Essen; Bruxelles et Paris, 1947, t. I, p. 257-271; P.
Legendre, La pénétration du droit romain dans le droit
canonique classique de Gratien à Innocent IV (1140-1254);
Paris, 1964 (thèse); H.D. Hazeltine, Roman and Canon Law in
the Middle Ages in Cambridge Medieval History, t.
V, p. 697-764. — Gratien, étudié par A. Vetulani (Rev. hist.
droit franç. et étr., 24-25 (1946-1947) p. 11-48) dit que
„non recipiuntur” sans discernement tout ce qu’admettent
les „leges principum”: Dict. post c. 4, C. XV q. 3
(Friedberg, 752). — Lucius III, c. 1.X.5.32 (Friedberg
II,844).
41. Cf. V. Laurent, L’oeuvre canonique du concile in Trullo
(691-692), source primaire du droit de l’Église orientale,
in Rev. Ét. byzant. 23 (1965) 7-41.
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la non-réception du Filioque par l’Orient, la non-réception de l’union de Florence par le peuple Orthodoxe, plus ou mains excité par des hommes passionnés. H. Dombois cite aussi comme exemple la non-réception, pendant longtemps, de la bulle Execrabilis de Pie II (1460) interdisant l’appel au concile42. Il est arrivé aussi qu’une doctrine ou des maximes reçues pendant un temps assez long, cessassent de l’être: ainsi le droit, pour le pape, de déposer les souverains. Pour l’époque contemporaine nous avons le cas, assez anodin, de la Constitution Veterum sapientia de Jean XXIII, prescrivant l’usage du latin dans l’enseignement des clercs (1960), et aussi les cas autrement dramatique de la non-réception du dogme papal du 18 juillet 1870 par une fraction de catholiques, de la doctrine d’Humanae vitae par une partie du peuple chrétien et même des théologiens catholiques. „Non réception”, ou „désobéissance”, ou quoi? Une certaine dialectique de réception, étalée sur plusieurs années? Les faits sont là…
On peut discerner deux positions:
a) L’acceptation par la communauté est un élément nécessaire pour qu’il y ait vraiment loi. Ces éléments sont, en effet, l’acte instituant, la promulgation, l’approbation par la pratique du groupe concerné. Le premier grand canoniste qui formula cette thèse semble avoir été le cardinal François Zabarella (1335-1417), dont W. Ullmann et B. Thierney ont souligné naguère le rôle important dans l’élaboration des thèses conciliaristes43. Mais Zabarella lui-même se réfère, à tort, à l’Apparatus de Paul de Liazariis (✝ 1356) sur les Clémentines et, avec plus de raison, à celui de Matthieu Romain, contemporain du précédent (cf. D. p. 200, n. 6). Peu après Nicolas de Cuse assumait l’idée de réception dans
42. Cf. K, p. 827-828, avec référence à H. Jedin,
Geschichte des Konzils von Trient, t. I, p. 52.
43. W. Ullmann, The Origins of the Great Schism. A Study in
fourteenth-century ecclesiastical history; London, 1948,
repr. 1967, p. 191-213; B. Tierney, Foundations of the
Counciliar Theory. The Contribution of the Medieval Canonists
from Gratian to the Great Schism; Cambridge, 1955, p.
220-237. — Zabarella, Lectura super Clementinis,
Venetiis, 1487: cf. D, p. 220.
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une ecclésiologie dont les bases philosophiques et théologiques étaient profondes; il citait du reste des faits historiques, des textes canoniques, et se référait à ce que disent les doctores, „quod ad validitatem statuti tria sunt necessaria: potestas in statuente, approbatio per usum et eius publicatio”44. Pour Nicolas l’approbation ou la réception semble assurée par l’assemblée conciliaire. Tous ces auteurs et bien d’autres après eux, évoquaient le fameux dictum de Gratien sur D. IV c.3: „Leges, instituuntur cum promulgantur, firmantur cum moribus utentium approbantur”, dictum dont le professeur L. De Luca a étudié de façon quasi exhaustive le contexte et les interprétations (cf. D). Gratien lui-même avait des sources, soit du côté du droit romain (Inst. 1, 2, 9), soit du côté de S. Augustin, dans des textes qui montraient les mores prendre valeur de loi (cf. aussi supra, n. 7). L’autorité de Gratien était telle, son texte si universellement utilisé (encore un cas de réception!) que le thème se retrouve jusque chez des adversaires catholiques de Luther: Jean Driedo professe qu’une loi humaine n’a valeur d’obligation que si elle est acceptée par le peuple45; le cardinal Jacques Sadolet dit que le libre consentement à une loi contribue à l’autorité et à la force d’obligation de celle-ci46.
44. De Concordia catholica, lib. II, c. 11: en
1431-32; (éd. G. Kallen, Hamburg, 1965, p. 141 qui ne semble pas
avoir identifié les bonnes sources en note). Citons ici ces
autres passages de Nicolas sur la réception: lib. II, c. 5:
„Nisi, quiscumque ille fuerit, aut papa aut patriarcha, decreta
secundum canones ecclesiasticos promulgaverit, non possunt illa
statuta canones sive ecclesiastica statuta vocari, et nihil
habent firmitas cuiuscumque particularia statuta, nisi inquantum
per acceptationem et usum seu consensum confirmenter seu
canonibus consentiant (…) Non volo negare, quin ex virtute et
potestate divina ac etiam praecepto, quo obediendum est
praepositis et quo subiecti esse debemus regibus, superiores
statuendi et ordinandi secundum commissam curam habeant
potestatem. Sed dico quod statutorum obligatorialis virtus cum
hoc requirit consensum per usum et acceptationem” (p. 137-138).
Nicolas cite les cas de la réception de la
Dionysio-Hadriana par Charlemagne en 744 et celui de la
réception des quatre premiers conciles par le IIIe de Tolède. —
c. 10: „Vigor particularium statutorum quoad hoc, quod subditi
per ea ligantur, requirit usum et acceptationem. Unde usu leges
firmantur et utentium moribus approbantur, 4 di. Leges.
Et hoc etiam verum in statutis Romani pontificis, quae per
non-usum vigorem perdunt, ut ibidem probatur in c.
Statuimus et c. Denique” (p. 139). Cf. aussi c.
11, p. 140-141 et 144 (Solum ad hoc tendimus, quod canonum
statuendorum auctoritas non solum dependet a papa, sed a communi
consensu) et c. 15, p. 166. Et cf. Morimichi Watanabe, The
Political Ideas of Nicholas of Cusa, with special reference to
his De Concordantia Catholica; Genève, 1963, p. 49-57.
45. De libertate christiana, lib. I, c. 9, consid. 2a,
Louvain 1548, fol. 29v, avec citation du texte de Gratien. La
première éd. de cette oeuvre inachevée est de 1540.
46. De Christiana Ecclesia (1539), n. 17: dans (A. Mai),
Spicilegium Romanum, II (Roma, 1839), p. 121.
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Cette thèse introduisant l’acceptation ou la réception dans la constitution de la loi a été reprise par les gallicans: Pierre Pithou (✝ 1596)47, Pierre de Marca (✝ 1662)48, Claude Fleury (✝ 1723)49.
La question de la promulgation se posait alors ainsi: suffit-il que la loi soit promulguée en Cour de Rome, ou faut-il qu’elle le soit dans un pays donné pour que ce pays soit concerné? Or la promulgation en Espagne ou en France, par exemple, était soumise au placet royal, ce qui ramenait presque la promulgation à une question de réception.
Le Roi et l’épiscopat de France appliquèrent plusieurs fois le principe de réception: ainsi en „recevant” les décrets du concile de Bâle, par la Pragmatique Sanction de Bourges, 7 juillet 1438, après examen et même corrections50; en „recevant”, province ecclésiastique par province ecclésiastique, le bref d’Innocent XII condamnant les Maximes des Saints (Cum alias ad apostolatus, 12 mars 1699: DSch 2351-2374)51; enfin en „recevant” la bulle Unigenitus (8 septembre 1713: DSch 2400-2502): „Nous reconnaissons dans la Constitution… la doctrine de l’Église, et nous l’acceptons avec soumission”, écrivaient au pape les évêques réunis en Assemblée. L’épiscopat de France tenait en effet, à recevoir les décisions papales par mode de jugement, comme il convient à des membres de l’„Église enseignante”, qui sont autre chose que de simples exécutants: „Le consentement des évêques aux Constitutions apostoliques est réellement un acte d’autorité qui exclut l’obéissance aveugle qui ne convient à personne, et
47. Pierre Pithou, Les Libertez de l’Église
Gallicane; Paris, 1594: commentaires de la seconde maxime
(nº XL): „Aussi l’Église Gallicane n’a pas reçu indifféremment
tous canons et épîtres décrétales …”; Pierre Dupuy,
Commentaire sur le Traité des Libertez de l’Église Gallicane
de M. Pierre Pithou (comm. sur le nº XVII), Paris, 1652, p.
90; nouv. éd., Paris, 1715, t. I, p. 71: „il faut considérer que
deux choses sont requises pour faire que les lois tant
ecclésiastiques que civiles soient observées. Premièrement
qu’elles soient légitimement publiées, et puis qu’elles soient
reçues et mises en usage.”
48. Pierre de Marca, De Concordia Sacerdotii et Imperii seu
de libertatibus Ecclesiae Gallicanae: lib. II, c. 15. Éd.
Baluze, Paris, 1669, t. I, p. 107: „Duae autem conditiones omnino
requiruntur ut leges omnes, tam ecclesiasticae, quam civiles,
effectum suum sortiantur. Una est, ut legitime insinuatae sint
(institutae?), et promulgatae, altera, ut sint usu receptae”; c.
16, n. III, p. 113: „Consensus saltem tacitus populi, qui rebus
ipsis et factis constat, necessarius erit ut leges receptae dici
possint”; c. 16, n. V, p. 114: „Leges ecclesiasticae eadem tacita
conditione quam civiles adstringuntur, scilicet ut parendi
necessitate Christianos non teneant, donec usu sint receptae
(suit la citation de Gratien, Dict. post D.IV, c.
3).
49. Institution au droit ecclésiastique; Paris, 1771, t.
I, ch. II, p. 43 cité par D, p. 202, n. 9.
50. „Recipienda consenserunt eet acceptanda deliberaverunt”:
Ordonnances des rois de France de la troisième race, éd.
Vilevault, t. XIII; Paris, 1782, p. 267 s.; Mirbt, Quellen5, N.
398.
51. Cf. M. Dubruel, art. Gallicanisme, in Dict.
Apolog., t. II, col. 230; A.G. Martimort, Le
gallicanisme de Bossuet; Paris, 1953, p. 683 s.
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encore moins à ceux qui sont par leur caractère docteurs de l’Église”52. Cela rentre dans la „réception” telle qu’elle doit être exercée, dans le cadre du corps ecclésial total, par des pasteurs qui, dans ce corps, sont en position de docteurs et de juges.
b) Une autre version de la thèse de l’acceptation des lois, proposée parfois par les partisans de la précédente, est plus purement juridique, presque casuistique. Elle consiste à dire que le législateur ne peut pas avoir voulu obliger ses assujettis si ceux que vise la loi, les utentes, la récusent. L’initiateur semble avoir été Dominique de San Gimignano (✝ avant 1436): „Non enim est verisimile quod princeps velit eos ligare, ex quo moribus utentium non approbatur, quia videtur statuere a principio sub tali conditione, scilicet si moribus utentium approbetur”53. Cette idée eut un certain succès (cf. D. p. 220 n. 51; B. p. 590 s.). Elle a été reprise en particulier par le chanoine de S. Augustin Martin de Azpilcueta, cité souvent sous le nom de Navarrus (✝ 1586)54, et par le célèbre jésuite Antoine de Escobar y Mendoza (✝ 1669)55.
52. Bossuet à son neveu, 8 juin 1699: Martimort, op.
cit., p. 684. Cette thèse de la réception par mode de
jugement a été le mieux exposée par Fénelon dans la lettre qu’il
envoya en 1707, au cardinal Gabrielli: „Si dixerint episcopi se
velle via judicii pro credito sibi munere eamdem sententiam una
cum suo capite pronuntiare, nihil certe video quod sit ipsis
exprobandum. Nonne decet ut eluceat totius pastoralis ordinis
unanimis consensio? nonne decet ut omnia membra cum suo capite
una voce, uno ore, una mente, uno judicio decernant? Quid
incommodi est si omnes pastores, quos posuit Spiritus Sanctus
episcopos regere Ecclesiam Dei, et qui fidei depositum
custodiendum acceperunt (Fénelon a cité préalablement: 1
Tm 6, 20-21), una cum principe pastorum declarant hoc aut
illud dogma partem esse depositi quod commune asservatur?” Enfin,
après avoir évoqué le cas des évêques qui signent les derniers un
décret conciliaire, Fénelon ajoute: „Munus judicandi, quod ipsis
aeque ac caeteris praeeuntibus collegis competit, nullatenus
imminuit necessitas assentiendi neque necessitas assentiendi
ullatenus judicandi munus.” (…) „Si pastorale corpus jugi
incolumitate donatur, necesse est ut purissima traditio, instar
sanguinis in corpore humano nunquam non circulantis, a centro ad
extrema, et ab extremis ad centrum sine ulla
intermissione circulet. Haec est forma pastorali corpori a
Christo indita.” Oeuvres de Fénelon, t. II, Paris, 1848,
p. 66-67 (souligné de nous).
La réception telle que Mgr Maret, un des derniers héritiers et
défenseurs de la tradition gallicane, la comprenait consistait en
cela: accepter une décision en portant librement un jugement: cf.
Du concile général et de la paix religieuse… Paris,
1869, t. I, p. 522 s. Mais Maret introduisait cette idée en
elle-même juste (voir par exemple ce que dit J. Forget, art.
Concile, in Dict. Théol. Cath. III, 665) dans
la théorie discutable d’un condominium du pape et des (autres)
évêques.
53. Super Decretorum volumine Commentaria, Venetiis,
1578, D. IV, c. Leges, fol. 10v: cf. D, p. 219.
54. Enchiridion sive Manuale Confessariorum, c. 23, n.
41: Opera; Venetiis, 1600, t. II, p. 215 ou en éd.
séparée, Venetiis, 1601, p. 392: „Antequam recipiatur, saltem per
maiorem partem universitatis, cuius pars est transgressor, non
ligat, quoniam promulgari videtur cum conditione, si recipiatur,
saltem per maiorem partem.”
55. Theologia Moralis; Lugduni, 1646, t. I, lib. V,
sect. 2, c. 14, problema 13; Summa Theologiae Moralis;
Lugduni, 1659, tract. I, examen primum, c. 3, n. 21 ➝
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Cette thèse, formulée de la façon la plus extrême, fut englobée dans la double série de propositions laxistes condamnées par le Saint-Office, sous le pontificat d’Alexandre VII, les 26 septembre 1665 et 18 mars 1666. Propos. 28: „Populus non peccat, etiamsi absque ulla causa non recipiat legem a principe promulgatam” (DSch 2048). Déjà la thèse de Dominique de San Gimignano et du Navarrais était refusée par nombre de théologiens56. Elle le fut encore après la réprobation d’Escobar par Alexandre VII57, même si, comme Dominique Viva, on notait que la proposition condamnée bloquait, dans son libellé, deux questions distinctes: le peuple pèche-t-il en ne recevant pas une loi? Le peuple pèche-t-il en ne recevant pas une loi sans raison? Après tout, l’énoncé permettait de penser qu’on peut sans péché rejeter une loi si l’on a pour cela des raisons. Il est d’ailleurs resté quelque chose de la théorie de la réception des lois, et cela chez les auteurs les plus éprouvés, un Anaclet Reiffenstuel par exemple (✝ 1703) ou un Benoît XIV (✝ 1758)58. La théologie la plus classique a toujours connu le cas de lois tombées par désuétude (cf. D, p. 228 s.): l’exemple classique sur la décrétale Treugas (c. 1, X, 1, 34 (Friedberg II, 203): cf. D, p. 249 n. 108).
La précédente théorie se tient sur un plan juridique. Ne concernant que les lois, non les doctrines ou les dogmes, elle ne couvre, en toute hypothèse, qu’une partie du domaine intéressé par un processus de réception. Les gallicans vont plus loin. Ils aiment
➝ (p. 38): „Leges sub hac tacita conditione feruntur, ut
vim habeant, si fuerint acceptatae et usu receptae.”
56. En particulier Suarez, De legibus, lib. III, De
lege humana et civili, c. 19; lib. IV, De lege positiva
canonica, cc. 15 et 16 (Opera; PAris, 1856, t. V,
p. 249 s., 391 s.).
57. Cf. Salmanticenses, Cursus Theologiae Moralis, t.
III, tract XI, c. 1, punct. VII; Paul Laymann, S.I.,
Theologia Moralis, lib. I, tr. IV, c. 3; Venetiis, 1710,
t. I, p. 35 s.; Dominique Viva, S.I., Damnatae Theses…
Pars I. De XLV Thesibus proscriptis ab Alexandro VII. 3e
éd., Venetiis, 1711, p. 85 s. Autres références à des auteurs
(qui, eux-mêmes, donnent de riches indications sur les partisans
des diverses thèses), in D, p. 222, n. 56, p. 257 s.; E.
Deshayes, art. Alexandre VII, in Dict. Théol.
cath. I, 743.
58. A. Reiffenstuel, Jus canonicum universum, lib. I.
De constitutionibus, § VI, n. 148 (cf. D, p. 259);
Benoît XIV, De synodo dioecesana, lib. XIII, c. 5, N. 3,
p. 488: „Quamquam leges, potissimum ecclesiasticae, a populi
acceptatione minime pendeant, attamen, cum eadem nunquam a populo
recipientur, peccant quidem eas non recipientes, sed tandem
desinunt obligare: quoniam praesumitur nolle legislatorem, cum
maximo animarum dispendio, suas leges vinculo diu irretitam
tenere communitatem, quae nunquam passe est se
constringi.”
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partir d’idées dont on ne perçoit pas du premier coup la portée ni la topicité, mais qui s’avèrent, à la réflexion, profondes et toujours valables.
La „réception” impliquait évidemment que les Églises locales, les épiscopats locaux, ne fussent pas réduits à la passivité de cette „obéissance aveugle” que récusait Bossuet. C’est pourquoi les gallicans, visant et refusant une thèse d’absolutisme papal, liaient la réception à une conception du pouvoir apostolique qui s’exprimait volontiers en deux citations bibliques: l’autorité, en christianisme, n’est pas domination (Mt 20, 26; Lc 22, 25); le pouvoir est donné „non ad destructionem sed ad aedificationem” (2 Co 13, 10)59. Des esprits ne concevant les choses que de façon juridique ne pouvaient apprécier cela que comme „spiritualité” ou attitude de piété. Le propre de la pensée gallicane, en plus d’une solide référence à l’histoire (qui, à la limite, risquait de tourner à l’archéologisme), était d’être très pastorale. Elle s’attachait aux structures pastorales locales60. Elle introduisait dans la théologie du pouvoir la consécration de sa finalité et de l’usage qu’on fait de ce pouvoir: celui-ci n’était pas seulement finalisé, il était conditionné et mesuré par le bien des Églises. C’est ce qu’on admettait communément pour les lois: ainsi S. Isidore61, Gratien62, Thomas d’Aquin63. Dans ces conditions, on ne peut admettre, à la tête de l’Église, un pouvoir discrétionnaire et despotique, qui ne tiendrait pas compte du bien dont les Églises et leurs pasteurs ont eux-mêmes le sentiment, auquel nul ne pourrait demander: „Cur ita facis?” Depuis l’extraordinaire accroissement de ce que G. Le Bras a appelé la „domination pontificale”, les canonistes avaient, de diverses manières, introduit dans le droit lui-même, les conditions
59. Les textes classiques de Jean de Ségovie (cf. A.
Black, Monarchy and Community. Political Ideas in the Later
Conciliar Controversy, 1430-1450; Cambridge, 1970, p. 143,
159-160); Pierre de Marca, op. cit., lib. II, c. 16, n.
VI, p. 115; Honoré de Tournély, De Ecclesia Christi, 2e
éd.; Paris, 1717, q. III, a. 6; Cl. Fleury, Institution au
droit ecclésiastique; Paris, 1771, t. II, ch. 2, p. 18 et ch
25, p. 195 s. (D, p. 202 n. 9).
60. Cela est net déjà dans l’ecclésiologie des maîtres séculiers
du xiiie siècle, chez qui l’on peut trouver une annonce des
positions gallicanes: cf. notre étude Aspects
ecclésiologiques de la querelle entre Mendiants et Séculiers dans
la seconde moitié du XIIIe siècle et le début
du XIVe, in Arch. Hist. doctr. et litt. du
Moyen Age 28 (1961) 35-152.
61. „Est autem lex honesta, iusta, possibilis, secundum naturam,
secundum consuetudinem patriae, loco temporique conveniens,
necessaria, utilis… pro communi utilitate civium conscripta”.
Etymol. lib. V, c. 21 (PL 82, 203).
62. Dictum post c. 1 D. IV (Friedberg I, 5): „in ipsa
constitutione legum maxime qualitas constituendarum est
observanda, ut contineant in se honestatem, iustitiam,
possibilitatem, convenientiam”, et il annonce le canon suivant
qui cite le texte d’Isidore.
63. Cf. Ia-IIae q. 90, a. 2
et 4; q. 95, a. 3, qui est un commentaire du texte d’Isidore cité
supra.
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de son exercice raisonnable et chrétien64. Tel est aussi le fond des réactions ecclésiologiques de Pierre d’Ailly et de Gerson. Également de l’ecclésiologue de valeur que fut Jean de Raguse, à l’époque du concile de Bâle65. Tel est le sens des textes qu’ils ne se lassent pas de citer sur le pouvoir (du pape) donné „in aedificationem”, non pour dominer mais pour servir le bien de l’Église, et pas pour autre chose66. Tel est le sens de la formule selon laquelle les clefs ont été données à l’ecclesia „finaliter”.
Ajoutons que, dans la théologie moderne, le texte de 2 Co 13, 10, „in aedificationem, non in destructionem” est devenu un lieu classique pour exprimer le respect de l’ordre voulu par le Christ dans son Église. Il était couramment cité aux xvie et xviie siècles, et par des auteurs qui n’avaient rien de gallican, parfois même pour justifier le caractère non-obligatoire d’une loi non „reçue”67. Le même texte a été invoqué, au premier concile du Vatican, aussi bien par les Rapporteurs de la Députation de Fide que par ceux qui souhaitaient voir exprime les limites du pouvoir papal68.
La „réception” a souffert d’avoir été construite et présentée à un plan de droit constitutionnel, comme une théorie juridique. C’est aussi en se plaçant au plan juridique (le mot „tribunal” revient quatre ou cinq fois dans ces quelques pages) et en usant d’une méthode polémique de dissociation qu’un Mauro Capellari
64. Cf. L. Buisson, Potestas und Caritas. Die
päpstliche Gewalt im Spätmittelalter, Köln-Graz, 1958.
65. Voir son De Ecclesia, hélas inédit, lib. II, cc. 23
et 32; notre L’Église de S. Augustin à l’époque moderne
(Hist. des dogmes III/3); Paris, 1970, p. 329-330; pour Gerson,
p. 316-320. Pour les théologiens du concile de Bâle, en
particulier Jean de Ségovie, voir A.-J. Black, op. cit.,
supra, note 59.
66. Cf. entre autres, Pierre d’Ailly, De Ecclesia et
cardinalium auctoritate, in Opera Gersonii, éd.
Ellies du Pin, Anvers, 1706, t. II, 100; Gerson, De potestate
ecclesiastica, consid. I, 8 et 11 (id. op., 227,
237 BC, 243 B); De auferibilitate sponsi (papae) ab
Ecclesia (1409), 12 s. (215 s.); Trialogus de materia
schismatis (83 s.); Propos. facta coram Angelis
(123).
67. D, p. 224 et n. 60 cite ainsi Grégoire de Valence,
Commentaria theologica, t. II, disp. VII, q. V, punct.
V, col. 804 s.; Valerius Reginaldus, Praxis fori
poenitentialis, lib. XIII, tr. IV, tit. I, c. 16, n. 160, p.
523. L. de Luca renvoie aussi à A.C. Jemolo, Chiesa e Stato
negli scrittori politici italiani del Seicento e del
Settecento; Torino, 1914, p. 130 s.
68. Commission préparatoire (Mansi 49, 707 CD); Rapporteurs:
D’Avanzo (Mansi 52, 715 B); Zinelli (52, 1105 CD; 1115 D-1116 A).
Souhaits d’exprimer les limites: Mgr Melchers, arch. de Cologne
(Mansi 51, 936 D-937 a); Mgr Landriot, arch. de Reims (52, 1097
B).
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s’appliquait à réfuter cette théorie, au risque d’ignorer le fait historique et la profondeur théologique de la réception69. Celle-ci relève d’un autre plan, comme le notait heureusement le P. Fransen en le qualifiant d’„organique” par opposition, non proprement à „juridique”, mais à purement „juridictionnel” (cf. G, p. 85). Elle relève d’une théologie de communion, qui elle-même engage une théologie des Églises locales, une pneumatologie, voire une théologie de la Tradition et un sens de la conciliarité profonde de l’Église. La notion de réception — mais non totalement sa réalité, car la vie résiste aux théories! — a été éliminée, sinon même expressément rejetée, quand on a substitué à tout cela une conception toute pyramidale de l’Église comme d’une masse totalement déterminée par son sommet, où, mis à part le domaine d’une spiritualité assez intimiste, on ne parlait guère du Saint-Esprit que comme garant de l’infaillibilité des instances hiérarchiques (douzaines de témoignages!) et où les décrets des conciles eux-mêmes étaient devenus des décrets du pape „sacro approbante concilio”70.
Ce processus ecclésiologique a été lié à un autre processus parfaitement cohérent ave lui: la passage d’une primauté du contenu de vérité, que toute l’Église avait grâce et mission de garder, à la primauté d’une autorité. En théologie de la Tradition, on dirait: passage de la traditio passiva à la traditio activa, ou encore du traditum au tradens, ce dernier étant en fait identifié à ce qu’on a appelé, à partir du début du xviiie siècle, l’„Église enseignante”71. Nous avons vu que l’autorité de la „Foi de Nicée” — ainsi dénommait-on son Symbole — était attribuée, non à un „pouvoir” de l’assemblée hiérarchique, mais à la conformité de son enseignement doctrinal, seule la vérité a autorité. Les ministres
69. Il trionfo della Santa Sede e della Chiesa;
Roma, 1799, chap. XVII. De la nécessité, très assurée, de
l’accord de l’évêque de Rome, l’auteur conclut d’emblée que c’est
le pape qui confère leur légitimité aux conciles. Il parle du
consentement comme s’il s’agissait d’un acte précis, rapide,
immédiatement identifiable. Et aussi comme si l’on prétendait que
l’acceptation conférait aux décisions conciliaires leur valeur
canonique.
70. Ainsi Latran III, Florence, Vatican I, etc.; Lyon I (1245)
est présenté comme un pur amplificateur de la décision du Pape.
Cf. G. Alberigo, Una com patribus, in Ecclesia
Spiritu Sanctor edocta. Mélanges théologiques. Hommage à Mgr
Gérard Philips; Gembloux, 1970, p. 291-319.
71. Voir notre La Tradition et les traditions. I.
Essai historique, Paris 1960, et, pour le vocabulaire
„Église enseignante”, L’Église de S. Augustin à l’époque
moderne; Paris, 1970, p. 389. J’y cite p. 371, le texte de
Thomas Stapleton (✝ 1598), bien caractéristique de l’évolution
des idées: „In doctrina fidei non quid dicatur, sed quia loquetur
a fideli populo attendendum est” (De principiis fidei
doctrinalibus, 1572, lib. X, titre du ch. V).
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„hiérarchiques” n’exercent qu’un service, une fonction, une mission (Cajetan, commentant S. Thomas, appelle l’Église „ministra objecti”), étant entendu qu’une mission comporte le moyen nécessaire pour son accomplissement: ici la grâce ou le charisme. Mais ce charisme ne peut être, comme tel, interprété en termes de „pouvoir” juridique. Un tel „pouvoir” existe bien: c’est l’autorité juridictionnelle qui, dans l’Église et à l’égard de ses membres, ajoute à la proposition authentique de la vérité, une obligation qui fait le „dogma” proprement dit et s’est traduite, au cours de l’histoire, par l’adjonction d’un „anathema sit”. Mais l’adhésion de foi, lorsqu’il s’agit de doctrine, s’adresse au contenu de vérité. On dirait, en termes d’École, au quod, non au quo. Si l’on attribue au ministre une autorité relative au contenu de vérité comme tel, on se situe au plan juridique et l’on ne peut trouver qu’un rapport d’obéissance. Si l’on considère le contenu de vérité et de bien, on peut reconnaître aux fidèles, mieux, à l’ecclesia, une certaine activité de discernement et de „réception”.
Nous pouvons dès lors tenter de préciser le statut théologique (ecclésiologique) de la „réception”, puis son statut juridique, mais d’un juridique évidemment encore théologique.
Tout le corps de l’Église, qui se structure localement en Églises particulières, est animé par le Saint-Esprit. Les fidèles et les Églises sont de vrais sujets d’activité et de libre initiative. Bien sûr, il n’y a pas de pneumatologie vraie sans christologie, c’est-à-dire sans référence normative à un donné. L’Esprit rénove sans cesse le donné, mais il n’en crée pas un substantiellement autre. Une des erreurs de Sohm est d’avoir imaginé une sorte de pneumatocratie sans structures données. Mais, à l’égard des structures de croyance, de règles éthiques et de culte que l’histoire oblige à préciser depuis la transmission apostolique originaire, les fidèles et les Églises locales ne sont pas inertes ni purement passifs. Ils ont une faculté de discernement, de coopération à la détermination de leurs formes de vie. Certes, dans les questions qui intéressent l’unité de l’Église, et donc l’unité de la foi, tous doivent se retrouver dans une foi commune, une unanimité substantielle, mais ils doivent y venir comme des sujets vivants. Assurément l’obéissance est elle-même une activité de vie, et le Saint-Esprit la suscite. Cependant tout n’est pas précepte dans la Tradition de l’Église et les formules dogmatiques elles-mêmes appellent une adhésion qui ne met pas en jeu la seule volonté, mais aussi l’intelligence avec ses conditionnements de culture, de connaissances, de langage, etc. L’histoire
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de la lente réception de Nicée ou de Chalcédoine ne s’explique pas sans cela.
Ainsi reconnaissons-nous deux voies d’accession à l’unanimité: l’obéissance, la réception ou le consentement. Il est vrai que, lorsqu’il s’agit de la Foi, la notion d’obéissance est trop courte, sauf si on la prend au sens du Nouveau Testament, comme accueil de la Parole72. Dans le cadre de la vie ecclésiale, la Foi est communion, et donc aussi bien consensus qu’obéissance. On insiste sur celle-ci quand on voit l’Église comme une société soumise à une autorité monarchique; sur la réception-consentement quand on voit l’Église universelle comme une communion d’Églises. Il est certain que cette seconde conception a été vivante durant le premier millénaire, tandis que l’autre a dominé l’Occident entre la réforme du xie siècle et Vatican II73. Il est vrai que ce régime de communion d’Églises locales était le seul possible avant que la paix constantinienne permît d’organiser au grand jour une vie oecuménique dans le cadre de l’Empire74. Nous reconnaissons qu’une autre voie d’unanimité a été possible, qu’elle a, elle aussi, servi l’Église: la soumission à une seule tête, de l’Église considérée comme une sorte d’unique et immense diocèse75. Mais outre que l’Orient et une
72. Ainsi Rm 1, 5; 6, 16-17; 10, 16; 15, 18; 16,
19 et 26; 2 Co 10, 5; 2 Th 1, 8; Ac 6,
7; 1 P 1, 22. Comp. He 5, 9; 11, 8.
73. Voir nos exposés: De la communion des Églises à une
ecclésiologie de l’Église universelle, in L’Episcopat et
l’Église universelle (Unam Sanctam 39), Paris, 1962, p.
227-260; L’Ecclésiologie du Haut Moyen Age. De S. Grégoire le
Grand à la désunion entre Byzance et Rome, Paris, 1968.
Autres références dans L, p. 332, n. 30. K. Oehler remarque à
plusieurs reprises (op. cit., infra, n. 77) que l’Église
préconstantinienne doit à son idéal et à son régime de consensus
d’avoir gardé son unité alors qu’elle n’avait pas de constitution
centrale.
74. C’est ce que montre en particulier T.G. Jalland, The
Church and the Papacy, London, 1944. Mais „c’est par les
Églises locales que, au cours de la lutte antignostique, furent
portées les excommunications”, par exemple contre Marcion (H.
Marot, in Le Concile et les conciles; Paris et
Chevetogne, 1960, p. 23). La décision portée par un synode local
était communiquée: c’est ainsi que se formait une conscience et
une croyance commune. „Cette ecclésiologie de communion a pour
base l’Église locale. Cette cellule initiale est fondée sur
l’évêque successeur des apôtres et qui, tenant sa charge de Dieu,
incarne visiblement l’autorité (l’Église dans l’évêque) et, élu
par la communauté, demeure en union étroite avec cette dernière
(l’évêque dans l’Église)” (H. Marot, p. 42).
75. Voir les textes cités dans De la communion…
(supra, n. 73) p. 238 s. Ajouter Grégoire IX, lettre
Vas ammirabile sol. Gaudemus, du 13.1.1240 à la reine de
Géorgie Rusude et à son fils David (Potthast 10841), dans
Baronius-Raynaldus, Annales eccl. XXI, p. 225-226. —
L’Église romaine, comme caput de tout le corps
ecclésial, contenait et représentait tout le corps. On trouve
quelque chose en ce sens chez Agathon (678-681), Epist.
1 aux empereurs (PL 87, 1164: Jaffé 2109); on en trouve une
vive expression de cette conviction chez S. Nicolas Ier (858-867)
qui écrit, par exemple: „Suscepit ergo et continet in se Romana
Ecclesia quod Deus universalem Ecclesiam suscipere ac continere
praecipit”: Epist. 88 (MGH. Epp. VI, p. 480,
15; PL 119, 952), comp. Epist. 90 (p. 498,5). La
catégorie, demeurée assez fluente et même ➝
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partie de l’Occident n’a ni accepté, ni même connu ce régime, on peut se demander s’il honore certains aspects de la nature même de l’Église, dont l’authenticité est imprescriptible et que Vatican II a redécouverts. Deux conditions, que nous pourrions illustrer l’une et l’autre par des douzaines de témoignages, soutiennent cette ecclésiologie:
1º L’Église universelle ne peut errer dans la foi76.
2º Le consensus, l’unanimité est un effet du Saint-Esprit et la marque de sa présence77. C’est lui qui fait l’unité de l’Église dans l’espace et dans le temps, c’est-à-dire selon la double dimension de sa catholicité et de son apostolicité ou de sa Tradition. Il s’agit en effet de reconnaître et d’exprimer la Tradition de l’Église, cet ἐκκλησιαστικὸν φρόνημα dont parle Eusèbe (H.E. V, 28, 6) en citant un traité contre l’hérésie d’Artémon. L’unanimité que cherchent les conciles, et qu’il ne faut pas d’ailleurs trop idéaliser, vise à
➝ ambiguë, d’Ecclesia Romana fera place de plus
en plus, à l’époque moderne, à la personne du Pontife romain.
Limite de ce processus: le mot de Pie IX déjà cité et sur lequel
on peur lire Harding Meyer, Das Wort Pius IX.: „Die Tradition
bin ich”. Päpstliche Unfehlbarkeit und apostolische Tradition in
den Debatten und Dekreten des Vatikanum I; München, 1965,
surtout p. 35 s.
76. On trouvera des textes, dont nous pourrions multiplier le
nombre, dans O. Rousseau et al., L’infaillibilité de
l’Église, Chevetogne, 1963; G. Thils, L’infaillibilité
du peuple chrétien „in credendo”. Notes de théologie
posttridentine; Paris et Louvain, 1963. Renvoyons seulement
à S. Thomas, IIa-IIae q. 1,
a. 9, sed c.; q. 2 a. 6, ad 3m; Quodl. IX, 16; Const.
dogm. Lumen gentium n. 12.
77. Quelques témoignages dans notre article Konzil als
Versammlung und grundsätzliche Konziliarität der Kirche, in
Gott in Welt, Festgabe K. Rahner, t. II, Freiburg, 1964,
p. 135-165 (p. 152 s.), repr. in Le Concile au jour le jour.
Deuxième session; Paris, 1964, p. 9-39. Voir aussi K.
Oehler, Der Consensus omnium als Kriterium der Wahrheit in
der antiken Philosophie und der Patristik, in Antike und
Abendland 10 (1961) 103-129, repr. dans K. Oehler,
Antike Philosophie und byzantinisches Mittelalter. Aufsätze
z. Gesch. d. griech. Denkens; München, 1969, p. 234-271; P.
Grossi, Unanimitas. Alle origini del concetto di persona
giuridica nel diritto canonico, in Annali di Storia del
Diritto 2 (1958) 229-331; notre La Tradition et les
traditions. I. Essai historique, Paris, 1960, p.
102, n. 61 (Pères anténicéens), p. 106 n. 29 (postnicéens); 3e
des articles du P. Sieben cités supra (n. 26), p. 364 s.
(Vincent de Lérins), 384 (Cassien). Citons seulement deux textes
relatifs aux conciles: S. Léon, Epist. 103 aux évêques
des Gaules: „Siquidem omnes Domini sacerdotes in unam sententiam
Sancto Spiritu docente, consensere” (PL 54, 988); IIe concile de
Nicée, 787: „Conspiratione sanctissimi Spiritus consonantes
invicemque collecti … consonanter et unanimiter a Spiritu Sancto
sumentes verbum…” (Mansi 13, 404 C); Nicolas de Cuse,
Concordantia cath. II, c. 4 „De quanto maior
concordantia, de tanto infallibilius iudicium” (éd. G. Kallen, p.
105); c. 10 „Ibi enim est Deus ubi simplex sine pravitate
consensus” (p. 138); comp. c. 19, p. 205. Dans la bulle de
confirmation du concile Benedictus Deus, 26 janvier
1564, Pie IV disait: „Concilium tanta omnium qui illi
interfuerunt concordia peractum fuit, ut consensum plane a Domino
effectum esse constiterit” (Mansi 33, 216 CD).
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cela78. Elle n’exprime pas la somme numérique, plus ou moins parfaite, des voix particulières, mais la totalité comme telle de la mémoire de l’Église. Tel est le sens de la formule „ego consensi et subscripsi”: je suis entré dans le consensus qui s’est dégagé et par lequel s’est manifesté ce que l’Église croit parce que la vérité lui a été transmise ainsi. C’est cela qui constitue l’autorité des conciles au regard des Pères anciens79. A cet égard, la réception n’est que l’élargissement ou l’étalement et la prolongation du processus conciliaire: elle se rattache à la même „conciliarité” profonde de l’Église. On peut penser — c’est le fond de la position Orthodoxe — que la racine de cette vision des choses se trouve dans la „théologie”, au sens que les Pères cappadociens donnent à ce mot: le mystère de la Sainte Trinité. Si, en théologie trinitaire, la considération des hypostases n’est pas étouffée par l’affirmation de l’unité de nature, mais trouve son plein développement, on peut aussi, en ecclésiologie, voir des sujets personnels communier dans une unité qui ne leur est pas imposée d’une manière qui les étouffe. S’il s’agit de l’autorité, elle est évidemment commune aux trois Personnes, mais chacune y apporte sa marque hypostatique dont un reflet doit se retrouver dans l’Église: monarchie du Père, autorité du créateur; soumission du Fils exerçant son pouvoir à l’intérieur d’un régime de service; intimité de l’Esprit qui suscite les initiatives tendant au Royaume de Dieu et la communion dans laquelle chacun est à l’écoute de ce que l’autre peut lui révéler. H. Mühlen, spécialiste de la pneumatologie, pense qu’une conception trop exclusivement hiérarchique a été favorisée par le fait qu’on a trop vu les structures de ministère sous le signe de l’Ancien Testament et de con monothéisme: la théologie trinitaire chrétienne peut inspirer une ecclésiologie où tout le corps soit organiquement actif80.
La réception ne confère pas leur légitimité à une décision conciliaire ou à un décret authentique: ceux-ci tiennent leur
78. Nicolas de Cuse, Concordantia Catholica II,
c. 1 „Qui enim sibi dissentiunt non agunt concilium” (éd. Kallen,
p. 93); c. 15 „Quia quisque ad synodum pergens iudicio maioris
partis se submittere tenetur…, synodus finaliter ex concordia
omnium definit”, p. 171; cardinal Pole écrivant au cardinal
Morone, 28.VIII.1546: „Ob hoc enim concilia sunt indicta, ut ex
episcoporum ex omnibus locis christiani orbis frequentia et
consensu, consensus simul universae ecclesiae intelligatur”
(Conc. Trident. Ed. Goerresgesellschaft, t. X, p.
632).
79. Voir les articles du P. Sieben cités supra, n. 26,
surtout le premier, relatif à S. Athanase.
80. Cf. H. Mühlen, Entsakralisierung. Ein epochales
Schlagwort in seiner Bedeutung für die Zukunft der christlichen
Kirchen, Paderborn, 1971.
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légitimité et leur valeur d’obligation des autorités qui les ont portés. Comme l’écrit H. Dombois, „la réception concerne toujours un fait préalable et qui se propose à celui qui le reçoit comme ayant valeur d’obligation” (K, p. 827). Les Orthodoxes et les Vieux-Catholiques qui ont écrit sur la question, mais également ceux qui les suivent et, naguère, les gallicans, aiment répéter que la légitimité formelle d’un concile ne suffit pas; ils citent toujours les mêmes exemples tels que le Brigandage d’Éphèse, 449, le synode iconoclaste de 753-754. Il est exact que des conciles étaient juridiquement réguliers selon le droit de l’époque, ayant été convoqués par l’empereur. Mais il leur a manqué la réception par l’évêque de Rome, qu’on interpréterait aujourd’hui en termes de confirmation et qui était indispensable. Il y a donc eu non-réception de conciles en soi juridiquement corrects.
S’il faut affirmer en premier lieu que la réception ne crée ni la légitimité ni la force juridique d’obligation, il faut immédiatement ajouter que, dans la tradition chrétienne la plus assurée, les ministères exerçant l’autorité n’ont jamais agi seuls81. Cela a été vrai des Apôtres: cf. Ac 15, 2-23 et 16, 4; 2 Tm 1,6 rapproché de 1 Tm 4, 14; 1 Co 5, 4-5, où l’on peut voir une application de la discipline communautaire rapportée en Mt 18, 17-20. Voir encore Clément, Cor. 44, 3. Cela a été vrai des évêques de l’âge des martyrs, Ignace d’Antioche82, Cyprien83. Le fond de cela, bien dégagé par Möhler, est qu’un chrétien a toujours besoin d’un frère chrétien: il a besoin de se faire assurer ou confirmer par un autre et, autant que possible, par une communauté. Du même coup il reconnaît qu’il monopolise ni l’Esprit ni le droit de parler: il ne dépouille pas son frère. Tel est le fondement sans doute de ce qu’on appelle la correction fraternelle, qui est aussi une réalité de la vie de l’Église. C’est un fait également que le principe énoncé en Dt 19, 15 sur la nécessité de deux ou trois témoins a été repris dans le Nouveau Testament d’une manière qui dépasse le cadre juridique ou procédurier pour prendre une valeur générale de règle du comportement chrétien84.
Si la réception ne confère ni la légitimité ni la valeur d’obligation, que fait-elle? R. Sohm dit: c’est un processus ouvert, juridiquement
81. Cf. sur ce point J.A. Möhler, L’unité dans
l’Église ou le principe du Catholicisme d’après l’esprit des
Pères des trois premiers siècles, § 16. Trad. A. de
Lilienfeld (Unam Sanctam 2), Paris, 1938, p. 28 s.; D. Stone,
The Christian Church, 3e éd; London, 1915, p. 333 s.; Y.
Congar, Jalons pour une théologie du laïcat (Unam
Sanctam 23), Paris, 1953, surtout le chap. V.
82. Cf. Ephes. 20; Magnes. 6, 7; Tral.
3.
83. Cf. Epist. 14, 4; 55, 8, 5. Et cf. Jalons,
p. 329 s. et 335.
84. Cf. notre étude citée supra (n. 77), p.
144-145.
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très insatisfaisant85: ce qui est exact. Ailleurs, il lui attribue une valeur purement déclaratoire, „une signification d’attestation (déclaratoir). Elle atteste que ces décisions sont jaillies vraiment de l’Esprit qui dirige l’Église et qu’elles ont valeur pour l’Église comme telles (et non d’abord en vertu de la réception)”86. Nous serions assez près de souscrire à cette formule: Bossuet dit également, parlant des jugements portés par l’évêque de Rome: „Comme il est, en effet, à la tête de la communion ecclésiale, et qu’il n’entend rien présenter dans sa définition que ce qu’il connaît être le sentiment de toutes les églises, le consentement de tous, qui vient par la suite, ne fait qu’attester que tout a été fait dans l’ordre et selon la vérité”87. Cependant H. Dombois note justement que, chez Sohm, cette interprétation est liée avec la thèse générale de cet auteur, pour lequel, dans l’Église ancienne, il n’y avait aucun droit, mais simplement reconnaissance de l’action de l’Esprit: „Sohm a interprété le concept de réception d’une façon extrajuridique (ausserrechtlich)” (K, p. 826). Trouverons-nous une meilleure appréciation chez Paul Hinschius, dont l’information est si remarquable? Parlant des conciles oecuméniques du premier millénaire, il écrit, dans son allemand un peu archaïque et surchargé:
A cette époque, c’est la réception, c’est-à-dire la confirmation (Bewährung) de ses décisions dans la conscience générale de l’Église, qui décidait de l’oecuménicité d’un concile se présentant comme général. Au point de vue juridique, cela ne signifie pas que la réception ait constitué une requête essentielle supplémentaire qui dut s’ajouter du dehors au concile général après sa conclusion. C’était bien plutôt ceci: dans la mesure où il s’agit de la validité d’une décision de foi, en plus des conditions formelles indiquées supra pour un concile général, il faut poser, comme un moment supplémentaire essentiel, bien que matériel, le fait que les articles de foi ainsi formulés se fassent (re)connaître comme un progrès organique de la foi de l’Église, de telle sorte que, s’ils ne sont pas reconnus tels, ils soient affectés d’emblée de nullité. Le critère extérieur pour savoir si cette requête est satisfaite ou non, c’est la réception ou le rejet (car seul le sentiment général de l’Église peut en décider). Cela signifie que d’une façon ou d’une autre se trouve définitivement déclaré, si le moment estimé essentiel pour la validité des décisions leur a été assuré de prima abord ou leur a manqué. Ainsi la réception n’est pas un acte qui procure la validité et la constitue dès le
85. Das altkatholische Kirchenrecht und das Dekret
Gratians (Festschrift der Leipziger Juristen-Fakultät für A.
Wach, München-Leipzig, 1918; repr. anastatique Darmstadt, 1967)
p. 134. En citant Sohm, nous faisons abstraction de l’usage qu’il
a fait de la „réception dispensatoire” (op. cit., p.
121-123, 426, 440 n. 41, etc.), qui revenait à „recevoir” des
Ordres de soi invalides et à les rendre ainsi valides. Dans son
compte rendu de cet ouvrage, U. Stutz avait absolument récusé
cette idée.
86. Kirchenrecht I; Leipzig, 1892, p. 320.
87. Dissertatio praevia de 1696 à la Defensio Cleri
Gallicani, n. 78: cité par A.G. Martimort, op. cit.
(n. 51), p. 667.
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principe; elle déclare seulement que les décisions ont été valides depuis le début; la non-réception, par contre, n’empêche pas la perfection de la validité (juridique), elle constate bien plutôt que les décisions ont été frappées de nullité dès leur formation88.
La réception n’est pas constitutive de la qualité juridique d’une décision. Elle porte non sur l’aspect formel de l’acte, mais sur le contenu. Elle ne confère pas la validité, elle constate, reconnaît et atteste que cela répond au bien de l’Église; car elle concerne une décision (dogme, canons, règles éthiques) qui doit assurer le bien de l’Église. C’est pourquoi la réception d’un concile s’identifie pratiquement avec son efficacité, comme on le voit dans le cas de Latran IV, de Trente, et même de Nicée I, de Chalcédoine ou de Nicée II. Par contre, comme l’a noté le P. H. Bacht, la non-réception ne signifie pas que la décision portée soit fausse: elle signifie que cette décision n’éveille aucune force de vie, et donc ne contribue pas à l’édification89; car la vérité religieuse et ce qu’on appelle parfois le développement du dogme ne relèvent pas d’une pure conceptualité de type mathématique ou géométrique: ils relèvent de ce que la tradition appelle „pietas fidei” ou „veritas secundum pietatem” (en référence à 1 Tm 6, 3; 3, 16; Tt 1, 1: comp. Rm 1, 18) ou, chez S. Thomas, „sacra doctrina”, „doctrina salutaria”.
On a parfois distingué le pouvoir et l’autorité. Le pouvoir est juridique, c’est un droit; on l’a défini „la possibilité qu’a un homme de faire prévaloir son idée et sa volonté sur celles des autres dans un système social déterminé” (E. Pin). L’autorité est spirituelle ou morale, elle est une efficacité de rayonnement et d’entraînement. Il peut exister un pouvoir sans autorité, mais aussi on peut avoir et exercer une autorité sans „pouvoir”: qu’on pense, par exemple, à S. Cyprien, dont Grégoire de Nazianze disait: „In n’exerce pas sa présidence sur l’Église de Carthage et d’Afrique seulement, mais sur toute la région de l’Occident et presque sur toutes celles de l’Orient, du Sud au Nord, partout où son admirable renom s’est répandu”90. S. Augustin lui-même,
88. Das Kirchenrecht der Katholiken und Protestanten
in Deutschland, t. III/1; Berlin, 1879, p. 348-349.
89. H. Bacht, Vom Lehramt der Kirche in der Kirche, in
Catholica 25 (1971) 144-167 (p. 157 s.: Das Problem
der Rezeption im katholischen Verständnis).
90. Oratio XXIV, 12 in laud. Cypr. (PG 35,
1184). Quant à Augustin, il faudrait citer toute une page de son
De baptismo, lib. V, 17,23 (PL 43, 187-188) et lib. VI,
2, 3: „Beato Cypriano, quem inter raros et paucos
excellentissimae gratiae viros numerat pia mater Ecclesia” (col.
198). — Si l’on voulait pousser l’étude de ce que nous entendons
ici par autorité au-delà du pouvoir, il faudrait évoquer ce que
la Tradition et S. Thomas (cf. l’article du P.A. Lemonnyer dans
les Mélanges thomistes, 1924) disent des Apôtres; ou le
type de l’évêque-moine (cf. Ph. Rousseau, The Spiritual
➝
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évêque d’une cité de moyenne importance, a décidé du visage chrétien de l’Occident entier pour un millénaire et au delà. On pourrait aussi bien évoquer la figure d’un Hosius, d’un S. Benoît, d’un Thomas d’Aquin…
L’idéal serait que les deux se recouvrent, qu’une autorité, dans le sens que nous venons de dire, soit toujours reconnue à l’acte du pouvoir. Grâce à Dieu, cela est arrivé souvent. Faut-il évoquer la figure d’un S. Grégoire, d’un S. Léon, à qui nous devons cette formule: „etsi diversa nonnunquam sunt merita praesulum (l’autorité spirituelle!), jura tamen permanent sedium (le pouvoir!)”91. Une fois de plus nous retrouvons le juridisme: la réception n’a plus de lieu dans une conception où l’autorité juridique formelle tient toute la place, sans considération du contenu de ses décisions. Nous pouvons, par contre, dans cette perspective de reconnaissance de son bien par l’Église, faire leur place aux idées des hommes d’Église conciliaristes ou gallicans que nous avons évoquées: pouvoir, non de domination, mais de service, donné „ad aedificationem”, finalisé et mesuré par le bien de l’Église…
Mais des défenseurs qualifiés de la monarchie papale nous apportent également des considérations intéressantes. Qu’est-ce que le concile ajoute au pape, se demande Thomas de Vio (Cajetan) en répondant au gallican Jacques Almain? Rien au point de vue de l’intensité de l’autorité, mais quelque chose, beaucoup même pour la richesse et le rayonnement de la doctrine, pour son acceptation sans conteste par tous92. Le prédécesseur de Cajetan, comme lui frère prêcheur devenu cardinal, Jean de Torquemada, reconnaît qu’en cas de doute extrême en matière de foi il faut réunir un concile. Alors, disait la Glose du Décret, le concile est plus grand que le
➝ Authority of the „Monk-Bishop”. Eastern Elements in
some Western Hagiography of the 4th and 8th Centuries, in
Journ. of Theol. Studies 22 (1971) 380-419, ou le type
idéal de l’Abbé (cf. O. Casel, Benedikt von Nursia als
Pneumatiker, in Heilige Ueberlieferung. Festgabe I.
Herwegen, Münster, 1938, p. 96-123)… Le thème est infiniment
riche!
91. Epist. 106 ad Anatolium (Jaffé-Kaltenbrunner 483; PL
54, 1007 B); Epist. 119 ad Maxim. Antioch., 3 (Jaffé-K.
495; col. 1043 A).
92. Apologiq de comparata auctoritate Papae et Concilii,
c. XI (1514): éd. V.M.I. Pollet, Roma, 1936, n. 636, p. 269: „Nam
licet Papa solus tantae intensivae sit auctoritatis quantae ipse
cum residuo, non tamen tantae extensivae, non tamen tantae
sapientiae, non tamen tantae acceptationis indubitatae ab
omnibus, ut patet de ipsis oppositum sentientibus, non tamen
tantae solemnitatis, quae animos humanos communiter multum
afficit, non demum tantae bonitatis et gratiae coram Deo, quae
apud multitudinem hominum multum valet ad persuadendum quod a
Spiritu Sancto regitur et errare non potest. Oportet enim ea quae
totam Ecclesiam tangunt in singulis sic fieri, ut acceptabilia
facillime omnibus sint: et ad hoc multum valent universalia
Concila a probis praecipue praelatis celebrata.” — Notons qu’à
Vatican I ces considérations sont devenues une simple „sollemnior
extensive definitio” (Mgr D’Avanzo: Mansi 52, 764 D).
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pape. Torquemada distingue: ce n’est pas exact d’un plus grand pouvoir de juridiction et quand on a un pape incontestable (l’auteur écrit en 1457, mais il a connu la situation issue du grand schisme d’Occident); c’est par contre exact d’une plus grande autorité de la faculté de juger, car un concile est réputé mettre en oeuvre plus de raison que ne peut faire un homme seul93. Torquemada a rédigé une réponse à la demande du roi de France, Charles VII, qui réclamait un troisième concile général (début 1442). L’évêque de Meaux, Pierre de Versailles, ambassadeur de Charles VII auprès du pape en cette affaire (16 décembre 1441), avait fait valoir l’argument suivant: il existe deux genres d’autorité, celle du pouvoir qu’on a reçu et celle du crédit ou de la crédibilité dont on peut jouir. Alors que le pouvoir est le même chez tous le pontifes, leur crédit est variable: S. Grégoire ou S. Léon en ont plus que d’autres et le concile général est à cet égard supérieur94. Cela ressemble beaucoup à la distinction que nous avons proposée entre „pouvoir” et „autorité”. La notion de crédit ou de crédibilité est en faveur aujourd’hui. On pourrait sans doute en user pour qualifier l’apport que la réception ajoute à une décision en soi légitime.
Hinschius parlait de „confirmation” (Bewährung) par la réception. Nous pouvons accepter ce terme, non au sens technique du droit, celui où l’on parle par exemple de la confirmation d’une élection par l’instance supérieure (CIC, can. 177), mais au sens du surcroît de puissance que le consentement des intéressés apporte à une décision parce qu’ils y reconnaissent le bien d’une Église qu’ils ont, eux aussi, vocation et grâce d’„édifier”95.
93. Ioannes a Turrecremata, In Gratiani Decretorum
primam Commentarii: in D. XIX,c. 8 (Venetiis, 1578, t. I, p.
176a): „Quando dubium circa fidem esset maximum, ita quod etiam
Papa cum cardinalibus dubitaret: tunc merito deberet convocari
concilium universale episcoporum. Quod vero consequenter dicit
Glossa quod tunc synodus est maior Papa, videtur quod hoc non sit
verum de maioritate potestatis iurisdictionis, existente vero et
undubitato Papa, cum semper caput praestantius sit authoritate
regiminis toto residuo corpore, et concilia robur accipiant ab
Apostolica sede, extra de ele. ca. Significasti. Sed
bene regulariter verum est de maioritate authoritatis discretivi
iudicii secundum quod dicimus, quod qui magis ratione utitur, eo
maioris authoritatis eius verba esse videntur, ut in di. se § 1
quae praesumitur maior est in toto concilio quam in uno
homine.”
94. „Distinguendum est hic de duplici auctoritate tam in Summo
Pontifice quam in coeteris praelatis. Una siquidem auctoritas est
commissae potestatis, et illa in omnibus summis Pontificibus
semper est aequalis (…) Alia est potestas bonae aestimationis seu
reputationis, et hoc venit ex virtutibus et operibus virtuosis:
quare non semper est aequalis in summis Pontificibus, sicut patet
de Gregorio magno et B. Leone, qui fuerunt maximae auctoritatis
et reputationis, sicut id quod fit per papam in generali
concilio, et isto modo Concilia generalia dicuntur summae
auctoritatis quantum ad auctoritatem quae venit ex reputatione
vel aestimatione” (Baronius-Raynaldus, Annales; éd.
Theiner, t. XXVIII, p. 363, nº 10).
95. Comparer ce commentaire de S. Albert le Grand sur
Apoc. 5, 14 (les quatre animaux disaient „Amen!”):
„Duplex est confirmatio: per ratificationem, et haec est
auctoritas et pertinet ad majores. Alia est per approbationem et
consensum, et haec pertinet ad minores” (Opera, éd.
Borgnet, t. XXXVIII, p. 571).
|402|
A) R. Sohm, Kirchenrecht, I (Leipzig, 1892) 320, 322-344; II (München-Leipzig, 1923) 71 s.
B) J. Haring, Die Lehre von der Epikie. Eine rechtswissenschaftl.-moraltheol. Studie, in Theol.-prakt. Quartalschr. 52 (1899) 576-600, 796-810.
C) J. Didiot, art. Acceptation des lois, in Dict. Théol. Cath. I/1, 1903, col. 295-299 (purement négatif).
D) L. De Luca, L’accettazione popolare della legge canonica nel pensiero di Graziano e dei suoi interpreti, in Studia Gratiana, t. III. Bologna, 1955, p. 193-276.
E) Y. Congar, Quod omnes tangit ab omnibus tractari et approbari debet, in Rev. hist. droit franç. et étr. 36 (1958) 210-259.
F) E.W. Kemp, Counsel and Consent. Aspects of the government of the church as exemplified in the history of the English provincial synods, London, 1961.
G) P. Fransen, L’autorité des conciles, in Problèmes de l’autorité (Unam Sanctam 38); Paris, 1962, p. 59-100 (p. 83 s.); il existe une version anglaise.
H) L. Stan, De la „réception” par l’Église des décisions oecuméniques (en roumain), in Studii Theologice ser. II, XVII nº 7-8 (sept.-oct. 1965) 395 s.: Ueber die Rezeption der Beschlüsse der ökumenischen Synoden seitens der Kirche, in Theologia (Athènes) 40 (1969) 158-168.
I) Councils and the Ecumenical Movement (World Council Studies 5), Genève, 1968 = Konzile und die ökumenische Bewegung (Studien des Oekumenischen Rates 5), Genève, 1968. Nous citons l’éd. allemande. Voir en particulier p. 53-71, St.L. Greenslade, Die Autoritäten, auf die sich die vier ersten ökumenischen Konzile berufen haben; p. 72-80, L. Stan, Ueber die Rezeption der Beschlüsse der ökumenischen Konzile seitens der Kirche; p. 81-104, W. Küppers, Rezeption, Prolegomena zu einer systematischen Ueberlegung96.
96. Dans son intéressante étude, W. Küppers, qui s’occupe seulement des conciles de l’Église ancienne, avant la coupure entre Orient et Occident, distingue trois phases de réception: 1º) une réception directe, caractéristique de l’époque anténicéenne ou ➝
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J) The Ecumenical Review XXII (oct. 1970): B. The reception of the Council of Chalcedon by the Churches: Mesrob Ashjian, The Acceptance of the Ecumenical Councils by the Armenian Church, with special reference to the Council of Chalcedon, p. 348-362; J. Coman, The doctrinal definitions of the Council of Chalcedon and its reception in the Orthodox Church of the East, p. 363-382; A. Grillmeier, The reception of Chalcedon in the Roman Catholic Church, p. 383-411; E.R. Hardy, Chalcedon in the Anglican Tradition, p. 412-423.
K) H. Dombois, Das Recht der Gnade, Ökumenisches Kirchenrecht. Witten, 1961, p. 825-836.
L) A. Grillmeier, Konzil und Reception. Methodische Bemerkungen zu einem Thema der ökumenischen Diskussion, in Theol. u. Phil. 45 (1970) 321-352.
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➝ préconstantinienne, qui était simplement l’exercice de la communion, par lequel les décisions d’un concile local étaient communiquées aux autres Églises, qui les recevaient; 2º) une réception critique quand évêques, théologiens, synodes particuliers et fidèles recevaient ou récusaient les décisions d’un concile appuyé par l’autorité impériale; 3º) une réception formelle, celle par laquelle une Église (synodalement ou non) ou un chef d’Église (par sa profession de foi) proclamaient recevoir tels ou tels conciles, ou bien arrêtaient leur réception à tel out tel concile, comme les „Nestoriens” au premier de Constantinople ou les „Monophysites” à celui d’Éphèse (J, p. 95), ou encore les Orthodoxes au septième oecuménique (J, p. 92).
Résumé de l’article. — La „réception” comme réalité ecclésiologique. L’auteur précise d’abord la notion de „réception”en la prenant cependant dans une large extension. La „réception” est un fait que l’auteur suit dans l’histoire des conciles, de la liturgie, des lois, intention du législateur de ne pas obliger les sujets sans leur consentement, conception liant la légitimité du pouvoir à son „utilité”. On propose enfin sa justification: la réception ne crée pas le droit qu’a l’autorité de décider, mais elle déclare que l’Église reconnaît son bien dans la décision portée, et ainsi elle achève celle-ci dans la ligne de son efficacité.
Summary. — „Reception” as an Ecclesiological Reality. The author first of all specifies the notion of „reception”, taking it, however, in a broad sense. „Reception” is a fact, which the author traces through the history of the councils, of liturgy, and of law. Next he reviews the proposed theories to give an account of them: acceptation of laws, the intention of the legislator to not bind his subjects without their consent, conception which links the legitimacy of power to its „usefulness”. Finally the justification of reception is offered: reception does not create the right which has the authority to decide, but it states that the Church recognizes its well-being in the decision arrived of, and thus she brings it to fulfillment as to its efficacy.